Niky Terzakis: « La demande de voyages est là, mais il faut de la lisibilité »

Secteur qui doit planifier sa production à long terme, le transport aérien demande de la stabilité et (au moins) une uniformité européenne. Air Belgium est du nombre.

Tout le secteur du voyage – agences, tour-opérateurs, aéroports, compagnies aériennes, croisiéristes, hôtels, chargés de voyages et leurs associations – se plaignent de la cacophonie européenne en matière de déplacements.

C’est simple, une chatte n’y retrouve plus ses petits, les agences modifient leurs conditions de vente chaque jour et les sites internet n’arrêtent pas d’être modifiés. Or le secteur du voyage se base sur du long terme : normalement, aujourd’hui, des voyageurs devraient consulter leurs catalogues pour réserver leurs vacances d’été.

Mais non ! Comme nous l’explique Niky Terzakis, CEO d’Air Belgium, « on vit dans le ‘’last minute’’, ce qui est très mauvais pour nos plannings ». Or, insiste-t-il, « on voit bien que la demande est là et que tout le monde veut recommencer à voyager. Mais il y a un manque total de lisibilité et la cacophonie propre à la Belgique dans ses régions se traduit par une incompréhension plus marquée pour le reste de l’Europe et du monde. »

Air Belgium peut multiplier les exemples. Une de ses destinations-cibles pour 2020 était l’île Maurice. Bingo !, l’île ferme ses frontières. Bonne nouvelle, elle les réouvre le 1er octobre, mais la compagnie belge déchante très vite, les conditions d’accès sont intenables : quatorzaine stricte dans un hôtel désigné à charge du voyageur – 1.200 euros, excusez du peu – et trois tests PCR à accomplir durant ces deux semaines.

Détail piquant, cela vaut aussi pour les Mauriciens qui y sont domiciliés : ils doivent aller à l’hôtel ! Résultat, Air Belgium a décidé de postposer son premier vol à la saison d’été (fin mars 2021).

Les Antilles, destination-phare d’Air Belgium ? En zone rouge, les conditions ne sont pas meilleures pour l’instant. Des tests PCR sont obligatoires à l’aller et au retour, il y a des accès limités aux plages, des services réduits dans les hébergements… A Mont-Saint-Guibert, on annonce la reprise des vols pour le 15 décembre prochain. Mais quid de possibles (re)confinements en France et Outre-Mer ? Tout ceci n’est pas propice aux réservations.

Deux Airbus à Tarbes

Dans ce contexte, comment se porte Air Belgium ? « C’est clair que nous sommes en pertes et que nous passons nos plus mauvais mois », reconnaît Niky Terzakis qui a dû mettre deux de ses Airbus A340 au parking sur l’aéroport de Tarbes, en attendant des jours meilleurs (et du reste, ils devaient subir de grands entretiens).

Les deux autres volent toujours en location pour Surinam Airways (sur Amsterdam-Paramaribo sans escale) ou pour des groupes norvégiens qui envoient leurs personnels sur des plateformes pétrolières au large du Cap.

Chômage technique aidant, aucun membre du personnel n’a été licencié : « On les tient prêts pour la reprise! , sourit Terzakis et nous assurons une rotation des équipages pour qu’ils gardent leurs licences (ce qui nous coûte plus cher en simulateurs), mais il faut savoir que, compte tenu des plafonds de chômage, les pilotes perdent beaucoup ! » Cela dit, le CEO a un optimisme bien à lui : « Les effets Covid vont encore courir trois ou quatre ans, il ne faut pas se tromper. Mais on voit davantage d’opportunités en routes et types d’activités », cargo, par exemple.

Encore six mois

Assurément, la situation actuelle n’est pas viable : « C’est sûr qu’à ce rythme, on ne tiendra pas six mois », soupire Terzakis. Alors, pour lui comme pour ses confrères, un plan de relance est indispensable « car on va vivre longtemps avec le virus ». Dès lors, pas question de demander des subsides à répétition, mais mettre en place des conditions de travail qui permettent non seulement une reprise du trafic – des tests Covid dans les aéroports, plutôt que des quarantaines -, mais aussi redonner confiance à la clientèle.

« Les passagers sont prêts à respecter les règles car cela les rassure. Toutes les études montrent que le temps passé dans un avion n’est pas vecteur de propagation, bien qu’il faille respecter certaines règles. Mais encore fois, les voyageurs ont besoin de certitudes : les règles vont-elles changer le temps de leur séjour ? Seront-ils mis en quarantaine chez eux ? » Il serait temps que l’Europe joue son rôle en définitive.

Et Niky Terzakis de conclure : « On parle beaucoup du traçage, eh bien, je peux vous dire qu’il n’y a pas meilleur vecteur de ‘’tracing’’ que l’avion : on sait où le passager a embarqué, où il a atterri, qui était son voisin, le passager devant lui et celui derrière et même toute la cabine. Vous allez trouver meilleur traçage dans un train ou une voiture ? » Posez la question, c’est y répondre…

Patrick Anspach

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