A Bruxelles, rien n’a changé

Il y a exactement 8 ans, le 26 janvier 2016, je publiais un article très politique, je l’admets, et pourtant je ne fais pas de politique. Mon compte facebook l’atteste : j’ai des amis dans toutes les formations démocratiques. Simplement j’aime Bruxelles, j’y ai travaillé pendant 40 ans, vécu pendant 20 ans. J’ai vendu les richesses de ma ville sur tous les marchés du monde. Mais je suis heureux de n’avoir plus à le faire… Pour vivre, une ville a besoin d’allers et venues, de liens avec son hinterland, d’offre touristique et culturelle, de commerces dynamiques, de cafés et restaurants ouverts et variés.

Relisez donc cette opinion qui date, voyez si quelque chose a changé ou si elle était prémonitoire, et ne manquez pas de réagir si vous le désirez…

Bruxelles, la ville qui va crever  (26/1/2016)

Une ville, c’est exactement comme un organisme vivant. Elle a des artères, un cœur de ville, des poumons verts, par exemple. Et quand les artères sont bouchées, elle fait un AVC : arrêt volontaire de circulation.

Loin de moi l’idée d’expliquer aux lecteurs étrangers les différences qu’il y a entre les niveaux de pouvoirs et les responsabilités de l’Etat Fédéral, de la Région Bruxelloise, de la Ville (commune) de Bruxelles et des 18 autres communes qui composent le tissu urbain de la région : pour le citoyen, la perception est celle de « l’Etat », et il se fiche pas mal de savoir comment le monde politique a organisé le morcellement de ces pouvoirs et responsabilités.

Le constat est alarmant. Pour rien au monde, je ne voudrais me trouver à la place de Patrick Bontinck, CEO de Visitbrussels ! Chargé de faire venir touristes et congressistes, il doit faire face à une multitude de contraintes qui vont dans le sens opposé à toute politique de destination. Bruxelles a la réputation d’être la ville la plus embouteillée au monde (ce qui est sans doute exagéré). Depuis quelques années, tout est fait pour dégoûter l’automobiliste, mais rien n’est fait pour lui donner une alternative. Dès les années 1970, certains partis politiques s’opposaient aussi bien à la construction du métro qu’à celle de nouveaux parkings. Conséquence : des centaines de voitures tournent en rond dans l’espoir qu’une place se libère.

On a créé un piétonnier absurde. Absurde parce qu’il ferme complètement la liaison entre le nord et le sud de la ville, en passant par le cœur ; et du même coup, les gens ne peuvent plus passer facilement d’Ouest en Est non plus. Il y a certainement des endroits plus appropriés pour créer des espaces piétons. À cela s’ajoute la vétusté de plusieurs tunnels, et en conséquence leur fermeture pour longue durée, qui fait suite aussi à la démolition de viaducs : incurie, manque de prévoyance, et politique anti-voiture en soi compréhensible, à condition d’avoir des solutions alternatives. Qui n’existent pas, ou pas bien, ou pas partout.

Or, Bruxelles n’est pas une ville comme les autres. On ne peut y appliquer les mêmes politiques de mobilité qu’à Gand, par exemple, pour les raisons suivantes :

Bruxelles est le siège de l’U.E. et de l’OTAN. Elle est la ville qui compte le plus de représentations étrangères après Washington. En plus des 28 pays de l’Union, il y a les lobbies de chaque région d’Europe, les sièges de centaines de multinationales, de plus de mille associations internationales. Tout cela dans une ville qui n’est, d’après sa taille, qu’une ville de province à l’échelon européen.

Les attaques sur la ville se multiplient : fermeture du Bois de la Cambre, un des deux seuls axes reliant la ville à la région wallonne et surtout au Brabant Wallon ; RER prévu il y a plus de 25 ans, achevé du côté flamand, en panne dans cette étroite bande de Flandre qui sépare Bruxelles du Brabant Wallon, et reporté aux calendes grecques ; parkings de dissuasion dans les faubourgs complètement saturés, et le plus souvent mal organisés, pas surveillés ; quartiers entiers de non-droit. Et je ne parle pas que de Molenbeek : allez voir dans les rues qui bordent la chaussée de Mons, la chaussée d’Haecht. Des quartiers où, de l’aveu même d’un commissaire de police de mes amis, on n’ose pas intervenir sous peine d’émeute. 

Sans compter les événements récents dus aux menaces terroristes, et les mesures qui ont été prises au détriment même de la ville. Je sais, vous allez me dire : que nous aurait-on reproché si un attentat avait eu lieu ? Mais si les différentes forces de l’ordre veillent sur le terrain, il n’était pas nécessaire de bloquer toute activité commerciale et culturelle. Les terroristes ont dû bien se marrer de voir la ville paralysée sans qu’ils fassent rien. Et ils peuvent toujours frapper où et quand ils le voudront, ils sont patients, et nous sommes désarmés.

Le BECI (chambre de commerce et d’industrie) fait lui aussi un constat alarmant. Quelques chiffres : huit hôtels sur dix disent avoir perdu plus de 20% de leur chiffre d’affaires. Les cafés et restaurants 72%, le tourisme 64%, les commerces de 57 à 66%, la culture 46%. C’est terrible. 

Il y a bien des essais d’amélioration ici et là. On met l’accent sur l’offre culturelle, mais à qui s’adresse-t-elle ? Les francophones du Brabant Wallon n’iront plus à Bruxelles. L’appel à projets lancé auprès des citoyens pour redynamiser des quartiers commerçants ? C’est un aveu d’échec. Il serait normal de redynamiser des quartiers oubliés ou défavorisés. Mais si même les quartiers les plus commerçants comme le Sablon ont besoin d’un dynamisme nouveau, c’est que nous sommes bien bas.

Mais je n’ai pas encore parlé du plus grave. C’est la coupure voulue, organisée, entre la ville et le Brabant Wallon. Il faut dire que ces deux régions votent pour des formations à l’opposé l’une de l’autre, et un député bruxellois m’a dit clairement : « Le Brabant Wallon ? Je m’en fous complètement, il peut crever ». Mot pour mot. La conséquence est que de moins en moins de personnes veulent se rendre à Bruxelles. La réputation de la ville est en chute libre, et peut d’ailleurs difficilement être pire. La Flandre s’en sort bien : le RER est construit de son côté, la région pourrait décider d’un élargissement du Ring Nord, et Bruxelles est la capitale de la Flandre. Pour le lien Bruxelles- Wallonie, c’est trop tard, sans doute. La Région Wallonne sort lentement du trou, boostée par les performances du Brabant Wallon et de certains pôles performants dans les 4 autres provinces.

Que la Flandre pourtant ne pense pas qu’elle a gagné la bataille pour Bruxelles : elle risque fort de se retrouver avec une ville paupérisée, immobilisée, ingérable. 

L’électrochoc est urgent, très urgent. Mais je crains que le système belge, qui fait de sa capitale une région qui profite largement aux deux autres mais sans aucun apport financier de leur part, ne soit fatal à la capitale de l’Europe. Pourtant, Bruxelles sans les Institutions Européennes, ne sera plus rien. Et Bonn est là, l’ancienne capitale allemande, avec une pléthore de bureaux vides, proche des Pays-Bas, de la

1 COMMENTAIRE

  1. Hélàs ! Bruxellois habitant la banlieue verte (Brabant Flamand), je me sens de plus en plus étranger dans ma propre ville. Plan de circulation « bad move », parkings rares et chers, appauvrissement de l’offre horeca et j’en passe.

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