Le salon de l’aéronautique de Farnborough – organisé une année sur deux en alternance avec le Paris Air Show du Bourget – se tient toute la semaine dans cette petite ville du sud de l’Angleterre. Les quelque 75 000 visiteurs attendus peuvent y prendre le pouls d’un secteur encore en convalescence mais optimiste au regard des prévisions : Airbus table sur un doublement de la flotte mondiale au cours des deux prochaines décennies, pour atteindre 48 230 appareils (dont deux tiers de monocouloirs). Les carnets de commandes des grands avionneurs atteignent au moins 16 000 appareils (environ 9 000 pour Airbus, 6 200 pour Boeing, 1200 pour Comac…).
Le moral du leader mondial est d’autant plus au beau fixe que sa famille monocouloir (A220, A319, A320neo, A321LR) va encore s’agrandir : l’A321XLR à long rayon d’action vient d’être certifié ces jours-ci par l’Easa, l’autorité européenne de de la sécurité aérienne. Les premières livraisons sont prévues au troisième trimestre cette année (lire aussi notre article A321XLR : premier vol transatlantique en novembre, avec Iberia).
On attendait donc Boeing dans ses petits souliers, sous tutelle de la FAA (le pendant US de l’Easa) et obligé de remettre en question ses process de fabrication et de contrôle qualité : les défaillances des dernières années sont – entre autres – à l’origine des accidents mortels de deux B737Max8 (les familles de victimes réclament devant les tribunaux une amende de 24,8 milliards de dollars).
Surprise, le constructeur américain aura été le principal bénéficiaire des commandes du premier jour du salon, qui se sont élevées à 47 milliards d’euros. Korean Airlines a signé 40 gros porteurs, Japan Air Lines 10 787-9 Dreamliner et 10 autres en option. Mais la compagnie japonaise n’a pas boudé pour autant Airbus, signant pour l’acquisition de plusieurs dizaines de courts, moyens et long-courriers. Idem pour Virgin Atlantic avec sa commande ferme de sept nouveaux A330.
Face au duopole Airbus-Boeing, deux constructeurs fourbissent leurs armes, le brésilien Embraer et le chinois Comac. Lesquels entendent profiter d’une demande difficile à satisfaire sur le segment des avions court/moyen courrier de 100 à 150 sièges. Positionné sur les jets régionaux et jets d’affaires, Embraer est de loin l’acteur le plus menaçant pour les deux géants du secteur. En comparaison, sa production reste toutefois relativement modeste, avec entre 197 et 215 livraisons d’avions prévues cette année (64 l’an dernier). Il lui faudrait lancer un nouvel avion commercial de capacité supérieure pour vraiment perturber Boeing et Airbus. Son E 195-E2 (120 à 144 passagers) est en effet déjà une version allongée du E-190-E. Or, Embraer n’a pas le capital pour construire un tel appareil. Et si c’était le cas, le nouvel avion ne pourrait voir le jour avant 2030. Le constructeur brésilien aura toutefois beau jeu de rappeler qu’une compagnie qui commande un A320neo aujourd’hui ne peut pas espérer être livrée avant au moins cinq ans…
Et ce n’est pas Comac qui va répondre à l’actuelle forte demande des compagnies aériennes. Le constructeur chinois n’aura livré qu’une dizaine d’avions cette année, uniquement à des transporteurs assurant des vols domestiques. Son C919, aux caractéristiques proches des A320 et B737, n’est pas encore certifié en dehors de Chine. Et les commandes ne concernent que le marché chinois. Ce qui n’empêche pourtant pas Comac d’envisager la conception d’un gros porteur, le C939, potentiel rival de l’A350 et du B777. L’avionneur chinois est toutefois dépendant d’importants composants technologiques européens et américains. Et les Occidentaux pourraient bien se montrer de plus en plus rétifs à soutenir un futur concurrent, alors que la Chine témoigne d’un expansionnisme régional agressif.