La mobilité dans les villes touristiques : le mauvais exemple de Liège

Un débat assez animé a eu lieu ce mardi à l’initiative du Skal Club de Liège, dans son lieu habituel de réunion, le superbe hôtel Mercure Liège City Centre, et devant une quarantaine de participants. Après le mot d’accueil du Président Pierre Coenegrachts, c’est Benoit Paquay qui introduit le sujet de la mobilité en général, et celle au profit des touristes en particulier, avec un PowerPoint complet, imagé, interpellant. Des questions que tout le monde se pose, mais auxquelles on ne répond pas souvent, parce que les locaux (habitants, pouvoirs publics) ne se mettent jamais à la place du visiteur, lequel, par définition, ne connaît pas la ville. Les sujets proposés à la discussion : la mobilité douce, la communication vers les usagers des transports en commun, le stationnement pour les autocars, le surtourisme, l’accès aux hôtels, etc.

Le panel auquel Benoit Paquay s’adresse est composé de Jean-Christophe Parent, Directeur Général de Walibi et Président d’Attractions et Tourisme, Alain Mager, Directeur d’EuropaExpo et organisateur de l’expo « da Vinci » à la gare des Guillemins, Gilles Forêt, échevin en charge de la mobilité à la ville de Liège, Jérôme Aussems, Directeur de la Fédération du Tourisme de la Province de Liège, et Olivier Rouma, Président de l’Association des Hôteliers de Liège.

Un rappel pour montrer l’importance du secteur du tourisme en Wallonie : 56740 emplois, plus de 7 milliards de chiffre d’affaires.

Un intervenant, autocariste de la région, explique les difficultés insurmontables de faire circuler des autocars, pourtant un « transport en commun », au point que des chauffeurs ne veulent plus se rendre à Liège.

J’ai eu l’occasion de faire 5 remarques, suscitées par ce que j’ai entendu de la part du présentateur comme des participants au panel.

La première consistait à comparer ce qui n’est pas comparable, à savoir Oslo et Bruxelles. Alors que notre capitale est une ville cosmopolite, siège des institutions européennes, des lobbies qui gravitent autour, et d’un bon millier d’associations internationales, Oslo est une ville bien plus petite, n’est pas au centre d’un réseau de communications, et n’a d’autre fonction que d’être la capitale de la Norvège. Il y a beaucoup de villes ayant développé un piétonnier, c’est le cas de Namur par exemple : 100.000 habitants contre 1 million à Bruxelles. Je vais souvent de Jambes, tout au sud de la ville, jusqu’à la gare de Namur, tout au Nord, cela ne pose aucun problème, 20 minutes de marche. Impossible de comparer avec Bruxelles, évidemment.

Ma deuxième remarque portait sur un constat évoqué par Mr Parent : il n’y a pas de volonté politique de créer des infrastructures pour le tourisme. C’est l’éternel problème de l’opposition entre les secteurs marchands et non-marchands : les premiers voudraient attirer plus de touristes parce qu’il y a un impact économique à les faire venir, les seconds, qui sont aussi les électeurs dans la ville, se plaignent des nuisances que cela occasionne. L’échevin Forêt ne contredit pas cette observation, il est évidemment un peu coincé par cette problématique, mais au moins il est à l’écoute et exprime sa bonne volonté tout en soulignant les nombreux obstacles et la lenteur administrative.

La troisième remarque est faite par Pierre Coenegrachts dans le sens où je voulais aller aussi : on oublie trop souvent le MICE ! Les touristes voyagent le plus souvent individuellement ou en famille, mais le MICE voit se déplacer des congressistes, des incentives, etc. en groupe ; et ces clients dépensent largement plus que le simple touriste.

Une quatrième remarque portait sur l’intervention de Jérôme Aussems évoquant les navettes fluviales. Ce mode de transport est emprunté annuellement par environ 23.000 personnes à Liège, contre 2 millions sur l’Escaut à Anvers. C’est que cette navette liégeoise a été imaginée pour les touristes, alors qu’à Anvers, elle fait partie du plan de mobilité de la ville. En conséquence, si l’on veut la même chose à Liège, il faudrait revoir complètement le modèle. Mon intervention posait la question suivante : pourquoi n’a-t-on pas réfléchi à cet autre modèle avant la construction du tram, qui est parallèle à la Meuse sur tout son parcours, au lieu de copier ce qui se fait par exemple à Londres, avec des quais flottants qui s’adaptent aux marées ? La réponse m’a laissé sur ma faim : c’était trop cher ! Il fallait construire 17 bateaux, engager du personnel pour les mettre en œuvre, construire les quais d’embarquement, etc. Comme si, pour le tram, il n’avait pas fallu construire des véhicules, engager du personnel pour les conduire, et créer une infrastructure lourde qui a mis par terre un grand nombre de commerces et provoqué des  situations de mobilité indescriptibles dans la ville.

Enfin ma denbrière remarque portait sur la mobilité douce, un concept qui me met dans une rage folle : les déplacements à vélo ou en trottinette n’intéressent que des personnes plutôt jeunes et en bonne santé, sans compter qu’elles ont aussi le goût du risque ! On devrait tous rouler à vélo, mais qui pense aux personnes âgées, handicapées, aux déplacements des familles, aux femmes enceintes, aux jeunes enfants, à ceux qui doivent transporter des objets lourds ou encombrant ? Toutes ces catégories sont oubliées, laissées pour compte, ostracisées !

J’ai aussi entendu quelques remarques pertinentes de la part du panel. Ainsi Mr Parent explique que les TEC wallons n’ont, dans leur contrat de gestion, nulle obligation de servir des attractions privées. Il y a en Wallonie 21 attractions qui sont inaccessibles en transport en commun le dimanche, faute d’une offre publique.

Autre remarque qui est vraiment propre à la Belgique : l’intermodalité est un rêve ! Entre la Wallonie et Bruxelles, il faut nécessairement traverser une petite partie de la Région flamande, soit 3 régions impliquées dans le processus, 3 régions qui ne s’entendent pas parce que les problèmes de l’une ne concernent pas les deux autres, et la concertation est rendue inutile ou impossible.

Ce sont bientôt les élections. Pensons-y.

Merci au Skal Club de Liège, l’un des plus anciens au monde, de nous offrir l’opportunité des débats qui, espérons-le, pourraient servir à quelque chose… Merci aussi à l’accueil de l’hôtel Mercure : service impeccable, repas de qualité.

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