L’aviation « verte » : un pari pas évident

L’Union Européenne a fixé un objectif contraignant pour atteindre la neutralité carbone en 2050 : il s’agit dans un premier stade de réduire les émissions de 55% en 2030 par rapport au niveau de … 1990 ! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Le but est évidemment de contraindre les compagnies aériennes à réduire immédiatement leur impact, tout en poussant en parallèle les industries vers de nouvelles technologies comme l’avion électrique, mais qui sont encore très loin d’une application commerciale.

De leur côté, les compagnies aériennes européennes, représentées dans le groupement A4E, soulignent que si les mesures adoptées ne concernent que les Européens, ces derniers subiront de plein fouet la concurrence de transporteurs situés hors Union et éventuellement non soumis aux mêmes politiques de durabilité que les Européens.

L’objectif -55% avait été fixé par l’UE en juillet 2021. Entretemps, le Comité parlementaire pour l’Environnement, la Santé Publique et la Sécurité Alimentaire a proposé un schéma encore plus contraignant, avec une réduction drastique des émissions de CO2 pour 2025, soit 2 ans plus tôt qu’initialement prévu.

Le résultat, selon A4E, est que même si des mesures de décarbonisation procèdent de technologies déjà fort avancées, cela va rendre le voyage sur courtes distances -donc intra-européen- beaucoup plus cher. C’est le genre d’argument qui n’émouvra pas les opposants de l’aviation qui la considèrent toujours comme un transport de classe, sous-entendu accessible uniquement à la classe aisée, ce qui est loin d’être le cas. La démocratisation du voyage aérien, et le tourisme en général, ne les touche en rien. L’un des résultats possibles est un probable glissement des voyageurs intra-européens vers des destinations hors Europe, tout cela pour une réduction de CO2 qui restera fort marginale.

Rappelons que le groupe A4E rassemble toutes les principales compagnies européennes : le groupe Lufthansa, le groupe Air-France-KLM, le groupe BA, Finnair, easyjet ou encore Ryanair. A4E considère que les mesures contraignantes seront contre-productives, puisqu’en rendant les coûts des compagnies plus élevés, elles ralentiront les investissements en technologies en faveur de la décarbonisation.

L’une des solutions repose sur le carburant dit SAF (Sustainable Aircraft Fuel), dont l’utilisation de 2% estimée en 2025 devrait passer à 63% en 2050 ; les carburants synthétiques, pour leur part, devraient évoluer de 0,7% en 2030 à 28% en 2050. À l’heure actuelle, ces deux types de carburants ne représentent ensemble que 0,05% de toute l’aviation civile. En plus, ils coûtent entre 2 et 6 fois plus cher que le kérosène.

Mais ce n’est pas le seul problème : les SAF sont le plus souvent introuvables. Il va falloir équiper tous les aéroports, et compter sur les producteurs de ces carburants pour qu’ils deviennent accessibles en termes de prix et de localisations.

Ne doutons pas que le secteur privé, une fois de plus, s’adaptera et trouvera les solutions adéquates. Mais à quel prix ? Avec quelles conséquences sur la vie en société ? Et que pèsent ces conséquences au regard des autres menaces, climatiques entre autres, qui pèsent aussi ? Les questions restent multiples, contradictoires et difficiles. Autant s’y prendre le plus tôt possible.

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