Le Laos au fil du Mékong (2/2)

Luang Prabang est le joyau du Laos. La situation de la vieille ville au pied d’une étroite langue de terre au confluent du Mékong et de son affluent le Nam Khan lui donne toute sa personnalité. Bordée de part en part par l’eau et parcourue par 4 artères principales quadrillées par des venelles parallèles, Luang Prabang se laisse aisément apprivoiser.

Cette passerelle en bois est éphémère car elle ne survit pas aux crues et chaque année il faut la reconstruire pour permettre d’enjamber le Nam Khan qui se jette ici dans le Mékong.

Ancienne capitale du Laos et lieu de résidence préféré des rois jusqu’à la prise du pouvoir communiste en 1975, la ville a conservé toute son âme religieuse même si la demande croissante des visiteurs a amené la multiplication des restaurants et des guest-houses généralement installés dans d’anciennes maisons coloniales reconnaissables à leurs vérandas en bois et aux toitures à double pignon. C’est d’ailleurs cette fusion harmonieuse entre architecture traditionnelle laotienne et celle construite par les autorités coloniales aux 19 et 20ème siècles qui a incité l’Unesco à labelliser la ville en 1995. Nous y resterons 2 nuits, amarrés au pied du palais Royal et outre les visites prévues qui donnent à décoder les sites, le temps libre accordé aux passagers leur permet de s’aventurer dans la presqu’île en toute sécurité.

Quand on grimpe vers le sommet du mont Phu Si plusieurs terrasses où nichent des Bouddhas invitent le pèlerin-promeneur à des pauses de méditation.

Pour prendre la juste mesure de cette petite péninsule, il faut commencer par grimper les 328 marches qui mènent au mont Phou Si chapeauté par un stupa doté de 24m de haut, sans doute le repère le plus connu de la ville. La montée n’est pas une expérience difficile car elle est bordée de jardins luxuriants, de terrasses qui invitent à une pause méditative et de grottes abritant des sanctuaires chargés de statues vénérées. Culminant à une centaine de mètres au centre de la péninsule, le mont Phu Si délivre sur la ville un panorama à 360°.

Le Wat Xieng Thong, cette superbe pagode emblématique de Luang Prabang.

L’occasion de repérer les nombreux temples qui jalonnent la ville. Il ne faut pas manquer la visite du Wat Xieng Thong dont le sim date de 1560. Sa toiture à plusieurs pans imbriqués et incurvés qui descendent presque jusqu’au sol est la signature des temples laotiens de Luang Prabang. Ce monastère est célèbre également pour ses pochoirs dorés et ses mosaïques de verre qui ornent l’extérieur de plusieurs édifices du complexe, telles des fleurs de lotus, des danseuses célestes, des scènes de la vie quotidienne ou encore un arbre de vie.

Les passagers de Rivages du Monde en toute quiétude vers l’entrée du Palais Royal

Autre visite intéressante, celle du Palais Royal construit au début du 20ème siècle. Reconverti en musée en 1976 après l’abolition de la royauté, on y découvre des salles d’apparat somptueuses avec des fresques racontant les coutumes de Luang Prabang et une collection d’objets précieux qui symbolisaient le pouvoir royal. Par contre les appartements privés manquent singulièrement de confort, significatif d’une population habituée à la rudesse de la vie quotidienne.

Les stands nocturnes au bout du marché attirent de nombreux chalands qui trouvent leur bonheur dans la flopée de petits restos-trottoirs qui bordent la place.

C’est aussi ici que nous aurons l’occasion de découvrir des marchés, à commencer par celui du soir qui occupe la principale artère commerçante de la ville fermée à la circulation dès 17h. C’est l’occasion de d’acheter des souvenirs qui se répètent d’un étal à l’autre et il n’est pas certain qu’ils soient tous de purs produits laotiens. Le marchandage est de rigueur et très vite on comprendra que c’est d’abord le lieu de rencontres des Laotiens qui arpentent l’allée en bavardant avant de terminer sur une place transformée en vaste salle à manger bruyante bordée par des restos-trottoirs.

Le Tak Bat ou la procession matinale des moines est un must à ne pas rater tant cette collecte de nourriture nous interpelle pour être un chemin essentiel pour atteindre plus facilement le nirvana.…

L’autre marché, de denrées alimentaires celui-ci, s’ouvre le matin dans des venelles proches du Palais Royal. Juste après le lever du soleil et la procession immuable des bonzes qui franchissent le seuil de leurs différents monastères, pieds nus, robe safran et cheveu ras. Ils défilent dans les rues, leur bol à aumône suspendu à l’épaule. Face à eux assis sur des petites chaises louées pour la circonstance, de nombreux donateurs distribuent une poignée de riz et des biscuits achetés au préalable à des marchandes installées sur le trottoir d’en face. Les bonzes sont si nombreux car les moinillons affluent pour la plupart à Luang Prabang pour y suivre leur formation que la cérémonie filmée par les touristes tout aussi nombreux perd quelque peu de son âme.

La barge qui nous rapprochera de Vientiane au départ de Pak Lai.

Au-delà de Luang Prabang, le Mékong s’élargit peu à peu jusqu’à prendre les allures d’un lac aux eaux paisibles. Le couvert forestier a les pieds dans l’eau et quand les lève-tôt découvrent le pont panoramique vers 6h30, une première tasse de café dans la main, ils ne distinguent rien, à peine devine-t-on la berge qui accueille notre bateau. Le fleuve a engendré un brouillard épais qui noie le paysage et étouffe les bruits, nous obligeant à retarder notre départ d’une heure au moins dans l’attente du lever du soleil qui dissipera heureusement rapidement ces bans de brume.

Après le passage de l’écluse, les récifs se multiplient nous éloignant même des berges et on comprend rapidement l’impossibilité de naviguer jusque Vientiane.

Quand on franchira le méga-barrage de Xayabury construit par une entreprise thaïlandaise pour fournir de l’électricité à la Thaïlande, on comprendra mieux les raisons de l’assèchement de plusieurs parties du fleuve. Cette fois notre bateau évolue au milieu des récifs et le rythme de la navigation a ralenti. On accostera à Pak Lai, une bourgade de quelque 13000 habitants, l’occasion de retrouver un centre monastique articulé autour de pagodes dorées et de découvrir quelques anciennes maisons coloniales. Pak Lai marque aussi la fin de notre croisière fluviale avec le Champa Pandaw dont le tirant d’eau ne lui permet pas de s’aventurer plus loin sur le fleuve.

Le lendemain on embarquera avec nos bagages sur une barge privée menée par notre capitaine avec le confort d’un repas organisé sur place. Durant 6 heures de navigation nous discernerons d’autres visages du fleuve où les orpailleurs se multiplient dans l’espoir de décrocher une vie meilleure. La fin du voyage se déroulera en bus, l’occasion de découvrir que la proximité de la capitale Vientiane a développé une multitude d’activités et que les motos sont légion sur la route.

Le Mékong tel qu’il se laisse deviner depuis le rooftop de notre hôtel avec sa large rive cultivée profitant des alluvions déposées par la baisse du niveau de l’eau.

Vientiane ne nous fera pas le coup du charme. En hauteur, les rues sont traversées de très nombreux câbles électriques qui défigurent la ville. Les trottoirs quand ils ne sont pas squattés par des véhicules parqués sont défoncés et il vaut mieux regarder où on pose les pieds. Quant à la boucle du Mékong au bord de laquelle la ville s’est établie face à une ville thaïlandaise, il faudra grimper sur la terrasse du rooftop de notre hôtel pour la deviner au-delà d’un boulevard encombré de voitures.

Le Wat Si Muang est un lieu de culte très vivant qui attire des fidèles qui viennent y accomplir divers rituels pour voir leurs vœux exaucés.

Fort heureusement la plupart des sites que nous visiterons sont regroupés dans la même portion du centre de la ville. Plusieurs pagodes encore actives se succèdent ainsi de part et d’autre de l’avenue Setthatthirat mais on retiendra le Wat Si Muang considéré comme le siège de l’esprit protecteur de la ville. Reconstruit en1915 avec des couleurs quelque peu criardes, il attire de nombreux fidèles qui attribuent à une statue de bouddha assis de facture assez grossière le pouvoir d’exaucer les vœux. Le Wat Si Saket est par contre le temple le plus ancien conservé à ce jour. Il est ceinturé d’un cloître aux murs épais couverts de petites niches garnies de quelque 2000 bouddhas sans compter les 300 bouddhas assis ou couchés, en bois, en pierre, en argent ou en bronze qui s’alignent le long des galeries. Le sim, à savoir le bâtiment sacré où se déroulent les prières, a conservé ses pignons de bois ouvragé.

Un moine en contemplation devant cette énorme urne funéraire transportée depuis la plaine des Jarres jusque Vientiane.

Par contre la pagode Haw Pha Kaeo a été transformée en un intéressant musée national d’art sacré cerné d’un jardin qui abrite une gigantesque jarre mégalithique provenant de la célèbre plaine des Jarres, un témoignage des pratiques funéraires de la civilisation de l’Age du fer.

Le Patuxai dont le nom signifie « porte de la victoire » invite ceux qui ont le courage de grimper les 193 marches d’un escalier en colimaçon au sommet du monument d’où la vue sur le centre de la ville est panoramique.

Derniers instantanés de la capitale, l’édifice du Patuxai dont la silhouette évoque l’Arc de triomphe parisien. Egayé d’une fontaine, il a été érigé dans les années 60 comme monument aux morts tombés dans la lutte pour l’indépendance. Plus éloigné mais d’importance encore, le Pha That Luang, à savoir le grand stupa sacré ruisselant d’or, se dresse au cœur d’une vaste esplanade où il a été érigé au rang d’emblème national.

Le Buddha Park ou Xieng Khuan rassemble une collection éclectique de statues nées de l’imagination d’un mystique lao, Luang Phu Bounleua Soulilat.

Plus ludique, le Buddha Park particulièrement fleuri, à quelque 25 km de la capitale, nous donnera l’occasion de revoir une dernière fois dans toute sa majesté le fleuve Mékong tout en découvrant un monde insolite de sculptures géantes en béton brut où les statues de Bouddha côtoient des divinités hindoues et des créatures mythologiques. L’artiste est un moine mystique à l’imagination débridée qui a fui le communisme et s’est installé en Thaïlande, de l’autre côté du fleuve, où il a fondé depuis un parc similaire.

Texte : Christiane Goor Photos : Charles Mahaux

Lire la première partie de notre reportage : Le Laos au fil du Mékong (1/2)

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