C’est dans le lac de Markermeer qu’est né ce projet assez incroyable de construction de 7 îles tout à fait artificielles afin d’y créer une réserve naturelle qui réhabiliterait la flore et la faune en voie de disparition sur le site du lac.

Le Markermeer, un lac d’eau douce de 700 m2, au nord des Pays-Bas, a été créé en 1976 avec la construction de la Houtribdijk. Cette longue digue de 30 km le sépare dorénavant de l’Ijsselmeer, le plus grand lac des Pays-Bas avec 1100 m2. Lequel est lui-même séparé de la mer de Wadden par une digue de fermeture, la Afsluitdijk, construite en 1933 plus en amont, entre la Frise et la Hollande du Nord.

L’objectif de ces deux digues était surtout d’offrir une double protection en cas de tempêtes sur la Mer du Nord et d’éventuelles crues qui jadis, du temps de la Zuiderzee, ont dévasté cruellement plusieurs fois le pays. Le second projet était d’assécher une partie des deux lacs pour y créer des polders et donc des terres nouvelles à cultiver et à urbaniser. Le Flevoland est ainsi devenu la 12ème et plus jeune province des Pays-Bas créée en 1986 par la réunion de plusieurs polders sur la zone orientale de l’ancienne mer du Sud.

Cette immense statue de Antony Gormley accroupie pour mieux observer la digue construite au départ de Lelystad sur le lac Markenmeer.

Mais rapidement une vue aérienne a révélé que si l’Ijsselmeer alimenté par les eaux de la rivière Ijssel, un défluent du Rhin avait conservé ses eaux claires et bleues, il n’en était plus de même pour le Markermeer qui vu du ciel ressemble à une nappe d’eaux troubles. Conséquence de l’intervention humaine : en effet, depuis la construction du barrage et des digues portuaires, le lac n’a pratiquement plus de berges naturelles et de surcroît il n’est plus relié ni à la mer ni à une rivière. Il était en passe de devenir un vaste marais…

La mort de la biodiversité

Le port de l’île principale se découvre comme un bout du monde.

Les digues qui enferment le lac sur une vaste partie de son littoral accumulent les alluvions et empêchent la circulation des limons qui se déposent alors dans le fond du lac sur une hauteur de près de 30 cm asphyxiant ainsi la vie du sol. L’absence de berges naturelles et de bas-fonds signifie qu’il y a moins de poissons, moins de plantes aquatiques, moins de crustacés et donc une pénurie alimentaire pour une série d’oiseaux. Les chiffres interpellent, on compte une baisse drastique de la population des canards de table, des canards à crête et des plongeurs à lunettes de plus de 75% au début des années 2000.

Les endives des marais dessinent des taches jaunes qui contrastent avec le bleu de l’eau.

L’idée d’un renouveau écologique pour le Markermeer apparaît clairement dès 2007 et est entre les mains des pouvoirs politiques qui multiplient les études et les montages financiers mais la crise financière de 2008 a raison du projet. En 2011 Roel Posthoorn, responsable de la société hollandaise Natuurmonumenten, prend le taureau par les cornes et imagine la création d’un archipel au large de la côte du Flevoland et à quelques kilomètres à peine de la digue Houtribdijk. Un ami, André Rijsdorp qui travaille au Ministère des Infrastructures et de l’Eau, l’accompagne dans ce défi inouï. Le plan de départ se précise, la loterie nationale s’empare du sujet, le second gouvernement Rutte formé en 2012, plus ouvert à l’écologie, décide de soutenir à son tour le projet. La somme de 75 millions d’euros est réunie, il était temps de commencer le travail !

Une première mondiale, un chantier titanesque

L’ile conserve quand même des plans d’eau et on a intérêt à suivre les sentiers.

Il a fallu acheminer d’abord une drague, ce bateau qui dès 2016 va pomper jour et nuit les sédiments présents au fond du lac Markenmeer. 30 millions de m3 de boue ont ainsi été extraits sur quatre sites de dragage distants de 5 à 8 km de l’île principale. Un mélange de limon, d’argile et de sable pompé vers l’extérieur jaillissait comme une énorme fontaine grise et boueuse qui était ensuite dirigée dans des tuyaux flottants vers les sites désignés pour y créer les îlots. Couche par couche, ceux-ci ont été façonnés avec des digues de boue édifiées sur des compartiments à remplir pour dessiner des bassins, eux-mêmes remplis de boue par la suite. Un système d’évacuation des eaux installé dans les digues ont permis d’assécher peu à peu ces bassins au point de les transformer en îlots qui conservent toutefois des plans d’eau.

Chaque année de nombreux plants de roseaux sont poussés dans le sable pour fixer les dunes.

Les scientifiques sur le terrain préviennent que les vasières restent cependant un habitat naturel dynamique dans lequel un équilibre doit être trouvé entre l’érosion, les dépôts, les courants et le vent. Marken Wadden n’a pas encore atteint cet équilibre. Les tempêtes printanières ont emporté bon nombre de nouvelles plages, reconstruites depuis. Mais ces phénomènes naturels imprévisibles qui soulèvent des vagues puissantes, d’autant plus puissantes qu’elles naissent dans un lac, montrent aussi le rôle majeur des éléments et comment ils façonneront l’archipel à long terme. Toutefois pour fixer à moyen terme ce sol mouvant, des milliers de roseaux ont été plantés, année après année, et le résultat est visible aujourd’hui.

Texte : Christiane Goor Photos : Charles Mahaux

La deuxième partie de notre reportage sera publié demain

PRATIQUE

Pour y aller, il faut emprunter un ferry au départ de Bataviastad joignable en bus en 20 minutes depuis Lelystad, chef-lieu de la province du Flevoland. Il faut acheter son billet aller-retour à l’avance sur le site www.natuurmonumenten.nl/natuurgebieden/marker-wadden

Un très beau documentaire à découvrir sur Arte « Les îles de la dernière chance ».

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.