Préservez votre nostalgie !

En 1984, j’avais reçu un billet Lufthansa pour aller à Pékin. Seul. L’année d’après un attaché de l’ambassade de Chine me révéla que cette année-là, seules vingt-sept personnes avaient été en Chine en individuel, dont un original qui traversait tout le continent asiatique à moto.

Arrivé à Pékin, un guide, que je n’ai plus vu pendant mes quinze jours sur place me fit la leçon en disant que ce n’était pas très économique de ne pas voyager en groupe car cela mobilisait les guides (lui !) pour un seul voyageur.

Bref, je fus complètement livré à moi-même une fois « jeté » à l’Hôtel de l’Amitié, au nord de la ville, près du zoo. Là-bas, il n’y avait que des Chinois « de l’extérieur », soit Hong Kong, Macao et ailleurs. Et un seul employé qui baragouinait vaguement l’anglais. Je profitai de ce coup de chance pour lui demander d’écrire en chinois dans mon petit carnet noir, les phrases essentielles style «Où sont les toilettes » «Combien pour ce plat ? », Où est la gare pour la Grande Muraille ?», mais aussi « Je souhaite louer un vélo ».

Car j’ai fait du vélo et Place Tiananmen encore bien ! En star car tout le monde voulait me photographier. Je n’ai que de bons souvenirs de ce trip exotique et de mes repas dans des petits bouis-bouis avec une population étonnée et à qui j’essayais d’expliquer d’où je venais.

Dernièrement, j’ai vu un reportage sur Pékin et j’ai été amèrement déçu. Plus de petits coins sympas dans les rues du quartier des Antiquaires, des autoroutes là où je me baladais à vélo. Indéniablement, ce n’était plus le Pékin que j’avais connu il y a… ben oui, trente-sept ans.

La Costa de ma jeunesse

Pourquoi vous dis-je tout cela ? Parce que ma première réflexion était que je préférerais ne plus retourner à Pékin et garder en moi les merveilleux souvenirs de 1984. Et tout à coup, je me suis remémoré mon expérience à la Costa del Sol, découverte dès 1969.

Je l’ai vu grandir sagement entre Estepona et Marbella, découvert des piscines naturelles avec chutes dans le rio vers Benahavis, passé des soirées guitares avec des gitans à la Cancelada et je revenais souvent avec le plus grand plaisir au merveilleux hôtel Santa Marta.

Jusqu’en 1979. Je suis retourné en 1991 avec ma femme et un couple d’amis et comme il n’y avait pas d’eau dans la piscine de la villa qu’on occupait, je me suis souvenu de «ma» piscine de Benahavis et, ô miracle !, elle était toujours là et intacte ! Le bonheur ! Idem au restaurant Benamara où j’ai retrouvé de vieux copains comme si je les avais quittés la veille. En revanche, je pressentais les ravages de l’immobilier.

Confirmation en mars 2019. Un congrès à la Villa Padierna. Et là le choc ! Le Santa Marta a été détruit et fait place à un chantier avec des tours, l’entrée du Puerto Bañuz était méconnaissable et, si le port n’a pas changé, les bistrots sont des pièges à touristes avec des prix démesurés pour un simple hamburger, la Cancelada était devenu un golf, le Benamara était à l’abandon, mes amis partis. Je n’ai pas osé aller voir la piscine naturelle du Benahavis.

C’est là que je me suis dit qu’il fallait que j’efface de ma mémoire mes dernières expériences et conserve les anciennes. La nostalgie a du bon. Et ceci me rappelle une réflexion entendue lors du premier confinement de 2020.

Une amie s’inquiétait de l’impossibilité pour les jeunes de sortir, de voyager, de découvrir le monde à l’âge où on bouge. Et elle ajoutait: «Nous, au moins, on peut se nourrir de nos souvenirs.» C’était bien vu. C’est pour cela que je me demande s’il est bien nécessaire de revenir dans des endroits qu’on a adorés.

Après tout, le monde est vaste et il y a sûrement encore des petits paradis à découvrir. Pour alimenter la boîte à souvenirs.

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