Territoire de Mémoire

Depuis quelques années déjà, il est très en vogue d’emmener des classes ou des groupes de jeunes prendre conscience de l’horreur que fut le régime nazi en les conduisant voir Auschwitz, qui fut un camp de travail forcé et un tout petit peu plus loin, celui de Birkenau qui fut un camp d’extermination. La visite de ces endroits ne laisse personne indemne.

Toutefois, il y eut en Europe un tout petit peu plus tôt, un autre champ d’horreur : l’Espagne qui en 1936 connut la guerre civile. Les conservateurs royalistes et (très) catholiques n’acceptaient pas la république. Ils firent du général Franco le fer de lance de cette nouvelle reconquista.

Comme par hasard, c’était surtout les Basques et les Catalans qui étaient dans le collimateur, des sales rouges qu’il fallait exterminer. Et ils en ont tué beaucoup. Les franquistes étaient des fascistes au même titre que les nazis (ils furent d’ailleurs en partie armés par les hitlériens) mais on en parle moins, même en Espagne, c’est seulement maintenant que l’on commence à réagir. Comme si on avait attendu que les protagonistes aient disparu pour élever des monuments aux victimes.

Mon attention a été attirée lors d’un voyage dans le Nord de l’Espagne en découvrant à Burgos (ville du Cid, mais aussi ville où Franco avait établi son QG) un monument aux victimes du franquisme.

Je me suis demandée s’il y en avait d’autres. Pour cela, je n’ai pas fait le tour de l’Espagne, mais une recherche sur internet.

A ma grande surprise, ce n’est que depuis les années 2000 que l’on a érigé soit un monument, soit un mémorial dans un cimetière, ou simplement un mur où l’on a inscrit les noms des fusillés et des disparus.

C’est en Catalogne que j’en ai repéré le plus, mais la liste n’est pas du tout exhaustive :

    • Barcelone, Camp de la Bota , où eurent lieu la plupart des exécutions (1706) un mur immense couvert de noms, inauguré le (24/02/2019)
    • Tarragone, souvenir de 665 fusillés (01/03/2009)
    • Gérone , monument dans l’ancien cimetière (31/10/2007)
    • Godella
    • Oliva, 70 victimes (8/10/2020)
    • Parets del Valle (20/01/2019)
    • Mataro (2005)
    • Figueres (27/05/2012)

Non loin de là, il y a un monument au cimetière Torrero de Saragosse, mais aussi un monument au petit village de Zuera, qui a lui seul compta 210 victimes. Pour le reste de l’Espagne, j’ai encore trouvé San Lucar de Barrameda, près de Cadix (02/10/2017), Grenade (+/- 4000 victimes), Malaga, Séville….mais aussi dans tout le territoire espagnol ; en Estremadur, en Galice, aux Asturies, au Pays Basque et même aux îles Baléares.

Afin d’assurer son souvenir pour la postérité, Franco s’était fait construire (de son vivant, (comme les pharaons) un mausolée non loin de Madrid. L’endroit est appelé « Valle de los Caïdos » en souvenir des morts (franquistes) pour la patrie, mais il faut y ajouter beaucoup de républicains prisonniers qui moururent à la tâche, pour satisfaire la mégalomanie de celui qui les avait vaincus (avec l’aide de Dieu, cela va sans dire).

Le gouvernement espagnol a estimé que le général Franco ne méritait pas un tel monument, ou peut-être craignait-il que cet emblème n’inspire des nostalgiques du caudillo. En 2018, il a donc été décidé d’exhumer l’encombrante dépouille pour la transférer dans un cimetière madrilène, mais, ce n’est que l’an dernier, le 21/10/2019, que l’on a procédé à l’exhumation.

Le général Franco était décédé depuis 1975, j’ignore quel jour, car par crainte d’émeute, l’annonce officielle du décès a été retardée de plusieurs jours afin de mettre en place tout ce qu’il fallait et préparer Juan Carlos, son fils adoptif, à prendre le pouvoir pour lequel il avait été formé.

L’année de son décès, eut lieu la dernière exécution capitale par garrottage, (c’était un jeune Catalan) évènement qui souleva une levée de boucliers internationale et qui me valut l’occupation de mon bureau. Les manifestants étant tout à fait pacifiques, je n’ai pas appelé la police pour les faire évacuer, mais plutôt la presse, car j’étais d’accord avec eux.

Que les chanceux qui vont se faire dorer au soleil d’Espagne aient une pensée pour tous ceux qui ont souffert du régime de Franco. Alors qu’aujourd’hui tant de nos compatriotes vont résider en Espagne de manière temporaire ou permanente, rappelez-vous que beaucoup d’Espagnols ont fuit le régime et ont cherché refuge chez nous, sans compter les enfants orphelins qui ont été recueillis par des familles belges. Eux étaient des vrais réfugiés qui fuyaient les violences de la guerre, contrairement à la plupart des envahisseurs actuels qui ne cherchent qu’à venir profiter de nos conditions sociales si favorables.

En souvenir de cette époque, vous pouvez bien entendu relire « Pour qui sonne le glas ? » d’Hemingway. Et aussi les romans d’un auteur plus récent : Carlos Ruiz Zafon comme : « L’ombre du Vent » ou « Le prisonnier du ciel ». Federico Garcia Lorca qui compte parmi les premières victimes du franquisme fut interdit en Espagne sous le régime de Franco, mais il n’a pas écrit sur le déroulement de la guerre civile, puisqu’il fut fusillé en 1936.

A voir : « Lettre à Franco » film récent sur le philosophe et écrivain Miguel de Unamuno et son fameux discours dans le grand auditoire de l’université de Salamanque, dont il était le recteur.

Nanesse.

 

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