Testé pour vous : une croisière pharaonique en dahabieh sur le Nil

A l’occasion de l’anniversaire des 30 ans de Les Voyages de Pharaon et la mise à l’eau de sa deuxième dahabieh, Mohamed Salem a invité Pagtour à tester le Nil ‘à l’ancienne’. Petite embarcation de luxe, service royal et initiation à l’Egypte antique à travers les sites emblématiques.

300 navires de 40 à 80 cabines. Une centaine de dahabiehs plus discrètes. Le steamer d’Agatha Christie. Autant de bateaux de pêche qui se transforment en passerelles pour permettre d’accéder aux embarcations amarrées parallèlement aux quais. Et puis les felouques pour les balades d’une journée. En haute saison, cela fait beaucoup sur cette portion de 200km du Nil qui charrie depuis l’Antiquité une grande partie de notre civilisation.

Comme il y a 5000 ans, le fleuve est le poumon économique, historique et spirituel de l’Egypte. Sur les traces d’Hérodote au IVème siècle av J.C. et de Thomas Cook au 19ème, le tourisme, qui représente aujourd’hui la deuxième source de revenus du pays, a transformé ses rives en plus grand musée à ciel ouvert du monde. Offrant aux millions de visiteurs annuels de tutoyer les dieux et de faire connaissance avec les rois et les reines de l’Egypte antique, leurs mœurs, leurs intrigues, leurs croyances, leurs guerres et leur culture.

Elégance victorienne et confort moderne

Frôler les berges et les décors des dieux – ici El Kab

A bord de la dahabieh Rois, affrétée par Les Voyages de Pharaon, les passagers sont constamment invités à des allers-retours entre ce passé et le présent. A bord, le confort est total : 50m sur 8m de bois ciré, climatisation partout en permanence, wi fi, jacuzzi, 8 cabines de 21m2 dotées d’un écran plat, sèche-cheveux, minibar, plusieurs espaces de détente, un hammam, un service 5 étoiles. Le tout emballé dans une déco victorienne un peu surannée mais qui évoque avec charme la période des premières fouilles archéologiques. Quelques discrètes notes orientales et l’immersion est totale.

Ici, on mise surtout sur la convivialité, et la possibilité d’aussi se rapprocher de l’Egypte d’aujourd’hui en côtoyant de très près l’équipage – 23 marins, cuisiniers, maîtres d’hôtels, attachés au ménage ou à la navigation, issus de la région et qui sont fidèles au bateau depuis sa mise à l’eau en 2010. Mohamed Salem, le fondateur et directeur de Les Voyages de Pharaon les appelle sa famille.

Un bateau tourné vers l’extérieur

Au plus près de l’équipage et, quand c’est possible, de la population (©B.D.)

L’embarquement s’apparente donc à une arrivée dans la famille. Déjà à l’aéroport du Caire, pour le transfert vers Louxor, des fleurs et les formalités de visa déjà remplies font oublier l’heure tardive. A bord, en pleine nuit, nous sommes attendus, serviette fraîche et jus de fruit – comme à chaque retour de visites toute la semaine. Le ton est donné. Ce sera du luxe simple. Une célébration de l’humain dans un environnement de dieux.

Le Rois possède les plus grandes cabines de la flotte de dahabiehs du fleuve et réussit l’exploit de délivrer, via une robinetterie dorée, de l’eau chaude et froide à haute pression 24h24. Une grande baie vitrée nous permet de pratiquement frôler l’eau et d’admirer les berges depuis son lit. L’isolation entre les cabines est excellente et aucun bruit de moteur ne vient perturber les séquences de repos.

En effet, le Rois innove puisque le voilier à la coque d’acier habillée de bois et à fond plat a troqué le robuste petit remorqueur (non, les grandes dahabiehs n’utilisent plus les voiles devenues décoratives) contre un pousseur qui porte moteur et générateur. Résultat : ni bruit ni effluves de gasoil sur le pont avant qui accueille le petit déjeuner et le lunch tandis que le bateau avance au gré du fleuve et de ses paysages qui racontent aussi le pays et offrent de frôler le vent chaud du désert. Alors que les autres servent les repas à l’intérieur, naviguent la nuit, passent discrètement l’écluse d’Esna et ne peuvent se permettre de modifier leurs horaires la journée lorsque les files s’allongent devant les temples.

Les rayons de Râ et la cuisine des dieux

Karnak, le plus grand site de temples de l’Egypte antique – un des incontournables de la croisière sur le Nil (©B.D.)

Car, oui, c’est parfois la cohue au pays des pharaons. Les guides sont désormais interdits d’entrée au cœur de nombreux temples pour éviter une cacophonie. Les histoires sont désormais racontées sous les rayons puissants de Râ, parfois à l’ombre d’une frise où chacun se laisse prendre au plaisir de déchiffrer les hiéroglyphes, derrière une colonne… grecque, dans le bus climatisé et, plus tard, à bord, dans le salon-bibliothèque, sur le pont supérieur abrité de la chaleur par de grands draps tendus ou dans la véritable salle à manger aux tables élégamment dressées et à la vaisselle choisie, devant les plats qui n’en finissent pas de défiler. Car c’est aussi le luxe du Rois : des produits frais cuisinés à toutes sauces et à toutes les épices, des jus à la minute, des cocktails et des moktails originaux, des desserts maisons qui mettent à genoux les moins gourmands.

De l’importance du guide

L’égyptologue Sherif Adel (©B.D.)

La route des pharaons est connue. Si certains temples ont été déplacés, notamment pour éviter un nouvel ensevelissement ou la submersion lors de la construction du barrage d’Assouan, tout est figé. Et incomplet en termes de connaissances et de découvertes. On ne modifie donc pas l’itinéraire – les guides de voyage et les brochures racontent tout. Mais on peut le suivre de différentes manières. Et chaque fois redécouvrir quelque chose. Nous avions déjà foulé les lieux mais c’est toujours une expérience.

Qui doit beaucoup aux conditions de navigation et surtout au guide qui mène la visite. Shérif Adel, qui présidait à notre croisière, est un égyptologue chevronné qui manie le storytelling avec humour et intelligence pour ne pas lasser les visiteurs, pas nécessairement férus de cette culture très complexe, qui se laissent emporter au fil des ruines exceptionnelles, parfois jusqu’à 40°.

Un itinéraire classique légèrement revisité

Des tableaux somptueux aux couleurs mystérieusement conservées (©B.D.)

Ainsi, si le défilé des incontournables (Karnak – Louxor – Esna – Edfou – Gebel El Silsila – Kom Ombo – Assouan) est bien respecté, d’autres incursions sur la terre des dieux sont possibles grâce au faible tirant d’eau de la dahabieh qui peut éviter les grands quais et amarrer le long des berges où poussent les palmiers dattiers et les manguiers, où paissent des vaches et des chèvres et où il faut emprunter des calèches pour rejoindre certains sites.

Notamment El Kab, la métropole religieuse où le guide nous balade du paléolithique aux chrétiens coptes, en passant par les Grecs et les Romains qui ont su faire usage des réalisations égyptiennes, en ajoutant les Perses, les Ottomans et les Arabes, pas toujours bienvenus. Comme sur chaque site, les anecdotes pullulent.

Les premières lois sociales sous Imhotep, l’assassinat de Ramsès III, l’évolution de la momification et des hiéroglyphes que Shérif lit comme il respire. Enfin, on apprend un peu de la vie du peuple égyptien, éclipsé par tant de réalisations réservées aux dieux et aux rois. La vie du gouverneur, ses plaisirs, la pêche avec ses enfants, la chasse et les récoltes sont un témoignage rare. A noter : c’est une mission belge qui a découvert les tombeaux à cet endroit.

Une leçon d’histoire en mouvement

Le son et lumière privé au temple d’Edfou, sous les étoiles (©B.D.)

La petite histoire dans la grande est la plus délicieuse. Il existe des milliers de manuels qui racontent l’épopée de cette civilisation, et autant d’énigmes. Or, ici, on découvre en temps réel l’évolution des découvertes et certaines vérités qui deviennent improbables au gré d’une science, l’égyptologie, qui n’a que 250 ans et avoue ne connaitre que 50% de ce qu’elle étudie. « Mes réponses changent tout le temps, selon les découvertes. » signale Shérif Adel.

De nouveaux papyrus attestent que Karnak n’est plus un temple mais un centre administratif et ésotérique réservé aux privilégiés dont les niveaux de conscience élevés furent anéantis par la corruption. Des colonnes, qu’on a cru décoratives, révèlent un système de calendrier. Il n’y a pas que la vallée des Rois et l’Allée des Sphynx, récemment dégagée, mais aussi la Vallée des Reines, la Vallée des Nobles ou celle des Singes où beaucoup reste encore à découvrir

Néfertiti et Louboutin

Les anecdotes et les détails qui complètent les discours officiels rythment la leçon d’histoire. Les sept portes du Nil et les dix plaies d’Egypte. La montagne Al Quran, qui porte la légende de la création du monde et surplombe les plus importantes sépultures de la Vallée des Rois – dont seulement trois sont ouvertes par jour afin de préserver la soixantaine désensevelie à ce jour dont certaines offrent une exceptionnelle préservation des couleurs. On s’amuse en apprenant que Louboutin, découvrant que son père naturel est en réalité un Egyptien, est le mécène des colosses de Memnon à Thèbes.

On rêve avec Shérif de la découverte de la tombe de Néfertiti. On comprend combien le jeu de pistes des architectes et des historiens est ardu et passionnant en suivant le parcours des temples de Philae sauvés des eaux et posés sur une île qu’on rejoint en petit ferry – l’île d’Aguilkia, où Isis provoqua, par ses pleurs, les premières crues du Nil… On découvre que ces temples ont été squattés par les chrétiens et les musulmans qui les ont mutilés. Et que la culture du négoce perdure jusqu’à aujourd’hui au-delà des souks : « Ici, on négocie tout, même les médocs et les impôts. »

Pas de Bingo mais un son et lumière privé à Edfou

Les colosses de Memnon, dont les fouilles ont été en partie financées par Louboutin (©B.D.)

Sur notre itinéraire, pas de visites d’élevage de serpents et de crocodiles. Pas de village témoin – même si on aurait bien fait une incursion sur les dernières terres nubiennes aux maisons colorées. Deux maximums par calèches bien que les roues des tuk-tuk à moteur ont l’air en meilleur état que les pattes des chevaux. Un inévitable cri de ralliement pour retrouver son guide – ici « Pharaons » ! Mais pas de Bingo, pas de place imposée à table, un guide disponible à tout moment pour s’instruire et la sensation de se sentir chez soi. Et, cette fois, un son et lumière privé au soleil couchant sous l’œil d’Horus, que le temple d’Edfou célèbre.

Généralement en option, Abou Simbel est, cette fois, inclus dans la croisière du Rois. La journée sur les falaises du lac Nasser, le fief de Ramsès II sauvé des eaux et particulièrement bien conservé, vaut bien les deux fois 4h en véhicule climatisé mais il est heureusement possible de s’y rendre en avion pour aller admirer les impressionnants colosses.

Comme il est aussi envisageable de personnaliser les options – notamment avec la visite du Caire avant ou après la croisière, avec les pyramides, le musée du Caire en attendant l’ouverture du GEM (le Grand Musée Egyptien) et le survol de la vallée du Nil en montgolfière. Ou même de privatiser le bateau qui garantit par ailleurs le départ dès 2 participants.

Le luxe silencieux

Les labyrinthes du grand temple d’Abou Simbel (©B.D.)

Rois et Reines ne sont pas les plus luxueuses embarcations qui naviguent sur le Nil mais elles sont assurément une façon authentique, conviviale et intime de voyager dans le temps tout en profitant de l’instant présent. Si l’expression hors des sentiers battus est un peu osée pour un itinéraire figé par les millénaires, elle n’est pas loin de s’appliquer à cette expérience. Son ratio exceptionnel de 23 membres d’équipage pour 16 passagers est le gage d’un service impeccable.

Si certains sont persuadés qu’un tel voyage dans le temps et dans ses conditions n’a pas de prix, d’autres ont besoin de comprendre que chaque poste, chaque détail, chaque service, chaque attention qui marquent la différence valent leur prix. Le jacuzzi, par exemple, n’est pas superflu – au moins six mois dans l’année il est indispensable pour se rafraîchir et se détendre lorsqu’on remonte à bord après des visites torrides.

La clim dans les espaces communs aussi, pour ne pas devoir se réfugier dans sa cabine la journée. La possibilité d’éviter les grandes foules et de visiter des sites non inclus dans le programme des grandes croisières. Celle de demander de s’arrêter sur la plage d’une petite ile où les jeunes locaux viennent se baigner afin de plonger avec eux.

Comprendre le produit

L’équipe de Voyages de Pharaon se tient à la disposition des agents de voyages pour expliquer son concept. Le Nil ne change pas. Mais savoir faire la différence entre les différentes propositions est indispensable pour satisfaire le client. Outre des brochures très complètes, des fiches d’informations sur le pays et les croisières sont disponibles à la demande.

A noter que l’aérien, dont l’augmentation des prix est tangible, reste souvent l’épine dans la chaussure des organisateurs de voyage et que des perturbations d’horaires et des annulations mal gérées risquent de perturber le voyage. Heureusement, ici, la réussite du séjour a permis de supporter un retour mal orchestré par Egyptair. Les souvenirs sont intacts.

. Un eductour est annoncé pour le mois de décembre 2024.

. A lire : la deuxième partie, l’interview de Mohamed Salem, fondateur et PDG de Voyages du Pharaon

Pratique
www.voyages-pharaon.com/
Contact : [email protected] + 33 1 43 29 36 36

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