Un voyage touristique en terre d’horlogerie (2/2)

De Besançon à la vallée de Joux, en passant par le Pays Horloger, Le Locle et La Chaux-de-Fonds, autant d’étapes le long de l’arc jurassien franco-suisse qui se révèle parsemé de pôles d’intelligence horlogère. Une découverte fascinante aux allures de pèlerinage dans le berceau de l’horlogerie mondiale.

Le 16 décembre 2020, l’UNESCO a inscrit les savoir-faire en mécanique horlogère et mécanique d’art sur la Liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité, mettant ainsi en valeur une longue tradition vivante emblématique de l’Arc jurassien franco-suisse.

Lunar, un artiste de Zagreb, a réalisé à Le Locle une fresque alertant sur le risque de cataclysme planétaire, la «Doom Watch». Elle est avancée à minuit moins 2 depuis 2018 en raison du risque accru de conflit nucléaire mondial et de l’«imprévisibilité» du président Donald Trump.

Un beau prétexte pour prendre la route en partageant son temps entre les deux pays, à peine 2.000 km parcourus sur une petite semaine d’escapade.

Dans cet espace franco-suisse, on plonge dans un écosystème complet autour des savoir-faire micromécaniques : entreprises, formations, recherches, associations, ateliers, musées qui concourent à la transmission des savoir et à l’innovation permanente depuis des générations. Seconde partie en Suisse.

L’hôtel de ville de Le Locle avec un style néo-renaissance dans les fenêtres à meneaux et les façades à bossages, l’Heimatstil dans la toiture à larges pans et l’Art nouveau pour les chapiteaux des colonnes et la fresque.

Le Locle, ville horlogère.

Un saut de puce en voiture, 7 km à peine, pour rejoindre d’abord Le Locle, au cœur des Montagnes neuchâteloises et ensuite La Chaux-deFonds, la ville voisine de quelque 5 km, toutes deux inscrites déjà en 2009 au Patrimoine mondial de l’Unesco pour leur urbanisme horloger. Planifiées au début du XIXème siècle, au lendemain de 3 grands incendies, les villes jumelles entièrement destinées à la production horlogère vont connaître un développement urbain adapté.

Leurs tracés en bandes parallèles ménageant un espace large entre les rues vont permettre d’imbriquer l’habitat au rez-de-chaussée et les ateliers aux étages face à une série de fenêtres alignées afin de distribuer un maximum de lumière dans les sites. L’Unesco a voulu saluer ici un exemple exceptionnel d’ensembles urbains dédiés à une mono-industrie, par et pour l’horlogerie.

Le Château des Monts sur les hauteurs de Le Locle, une magnifique demeure de la fin du 18ème siècle toute en simplicité et avec des proportions harmonieuses.

Tout comme à Besançon un parcours intitulé «Le Locle horloger» permet de découvrir la ville d’une maison à l’autre car ils sont une trentaine à avoir développé ici un établissement horloger, un établissage comme on disait autrefois. Un nom nous est familier, celui de Tissot dont l’histoire qui a commencé en 1853 se poursuit encore.

La balade permet aussi de découvrir l’insolite et imposant hôtel de ville construit en 1918 selon le style Heimatstil, une interprétation régionaliste de l’Art Nouveau avec l’utilisation de bois en façades, de pierres de bossage ou rustiques et de fresques illustrant le folklore local. Une autre initiative locale est cet art urbain qui s’inscrit sur les murs de la petite ville. Des fresques monumentales ou graffitis éclairent d’une lumière nouvelle l’histoire et les particularités de l’espace loclois qui se mue en musée à ciel ouvert au fil du temps.

Le Château des Monts abrite le Musée d’Horlogerie depuis 1959 mais il a conservé son mobilier d’origine de la fin du 19ème siècle avec entre autres ce salon à la française avec des meubles de style Louis XV de facture régionale.

Il ne faut manquer sous aucun prétexte la visite du Musée d’horlogerie installé sur une butte à l’extérieur de la petite ville, au Château des Monts. Cette riche demeure appartenait à un maître-horloger du 18ème siècle, Frédéric-William Dubois. Le manoir est acheté en 1915 par le fondateur de la marque horlogère Doxa.

Depuis lors, l’aménagement intérieur est resté tel qu’il était au 20ème siècle et en cela il constitue un témoignage précieux de ce que fut le domicile des grandes familles bourgeoises des Montagnes neuchâteloises.

Une superbe horloge de 1785, toute en délicatesse, en forme de lyre avec deux automates, l’oiseau qui égrène les heures en chantant et le rideau de perles qui s’ouvre au même moment sur un petit lac où nage un cygne.

Lorsque la ville du Locle acquiert le domaine en 1954, il devient le lieu parfait pour y abriter des collections horlogères éparpillées dans la région et le plus souvent dans des caisses depuis la seconde guerre mondiale.

Se promener dans cette demeure, c’est plonger dans une ambiance intimiste où le grand salon Louis XV et la salle-à-manger toute en boiserie de noyer exposent de magnifiques pendules dans lesquelles s’intègrent des automates.

A l’étage quatre salles sont dédiées à des collectionneurs qui ont légué leurs précieuses collections au Musée. Des écrans numériques permettent de découvrir les horloges animées d’automates en action, un véritable ravissement et un émerveillement quand on connaît l’époque de fabrication de ces pièces toute en délicatesse, pour la plupart de la fin du 19ème siècle.

La Chaux-de-Fonds et son urbanisme horloger.

La ville possède également son Musée international d’Horlogerie qui présente de façon chronologique l’histoire de la mesure du temps depuis l’Antiquité, un parcours autour de près de 3000 pièces de valeur, suisses et étrangères, un ensemble qui donne un peu le tournis et pour profiter pleinement de la visite, il faut s’offrir du temps que nous n’avions pas hélas.

Découverte de l’urbanisme horloger en damier de rues du 19ème siècle de La Chaux-le-Fonds depuis les hauteurs de la Tour Espacité.

Par contre la ville se laisse découvrir avec cette architecture qui ne ressemble à aucune ville suisse. L’incendie de 1794 qui détruit le village en bois qu’est La Chaux-de-Fonds sera l’initiateur d’une reconstruction qui se veut résolument axée vers la sécurité. L’agglomération est reconstruite selon un plan en damiers, avec de l’espace entre les maisons pour éviter la propagation des incendies, des jardinets devant les maisons et des rues suffisamment larges.

On veille ainsi à ce que chacun profite du soleil ce qui permet que les ateliers installés aux étages supérieurs face à des bandeaux de fenêtres reçoivent le maximum de lumière. Vers 1900, 55% de la production horlogère mondiale était originaire de La Chaux-de-Fonds !

L’entreprise Le Garde-Temps à La Chaux-le-Fonds invite les curieux à se mettre à la place d’un horloger. Encore faut-il apprécier la minutie, la précision et la technique des mouvements…

Pour mieux saisir cette structure urbaine, il faut grimper jusqu’au point de vue du 14ème étage de la Tour Espacité qui offre une vue plongeante sur le centre linéaire de la ville, son noyau ancien et son damier de rues du 19ème siècle.

La Chaux-de-Fonds est aussi le lieu de naissance de Charles-Edouard Jeanneret mieux connu sous son nom d’artiste Le Corbusier. Cet architecte visionnaire a laissé quelques traces dans sa ville natale. En 1906 il a établi les plans d’une villa construite comme un manifeste d’un style régionaliste dans l’esprit de l’Art Nouveau, appelé ultérieurement « style sapin ».

Deux ans plus tard il dessinera deux villas construites dans le même style régionaliste que la précédente Villa Fallet mais elles s’en distinguent par des façades plus dépouillées. Sa première réalisation architecturale s’élève dans le même quartier, sur les hauteurs de la ville. Une villa cubique, toute blanche, construite en 1912 pour ses parents. Tout ici annonce déjà le goût de l’architecte pour le purisme avec des toits terrasses, le plan libre, des fenêtres en bandeau, en rupture avec l’Art Nouveau régional qui caractérise La Chaux-de-Fonds.

La Maison Blanche, la première réalisation personnelle de Charles-Edouard Jeanneret en tant qu’architecte indépendant, construite en 1912 pour ses parents. Il prendra le nom de Le Corbusier en 1920, à Paris.

Cette maison avec ses murs blancs, son jardin et ses pergolas dégage une atmosphère méditerranéenne inspirée sans doute par le voyage de Corbusier en Orient. Il quittera ensuite sa ville natale pour s’installer à Paris mais on peut penser que le paysage de la Cité horlogère avec l’alignement des rues, la verticalité des immeubles, les jardins et la combinaison lieu de travail/espaces habités l’ont influencé par la suite dans son concept d’habitat.

La vallée de Joux, la vallée des horlogers de luxe.

L’industrie horlogère s’est développée dans les montagnes neuchâteloises dans la pénombre des grandes fermes typiques, isolées au coeur de pâturages vallonnés, tout comme dans le Pays Horloger de l’autre côté de la frontière.

Exemple d’une maison mixte construite à La Chaux-le-Fonds pour abriter au rez-de-chaussée mais aussi dans les greniers les ouvriers en horlogerie installés face aux bandeaux de fenêtres pour avoir de la lumière naturelle.

C’est dans ce canton que vont naître quelques-unes des plus prestigieuses et luxueuses marques horlogères du monde : Piaget, Bovet, Chopard, Parmigiani et bien d’autres. Cependant dans les années 70, tout comme en France, la crise économique prend un goût amer dans les montagnes ouvrières de Neuchâtel, des dizaines d’ateliers horlogers ferment.

Toutefois c’est la vallée de Joux, dans le Vaud, un lieu hors du temps, qui s’est doucement imposé comme un territoire incontournable dédié à l’horlogerie. Cette vallée encaissée entre collines et forêts de conifères, entre montagnes et pâturages s’étire autour d’un lac qui apparaît comme un petit appendice du lac de Neuchâtel. Mais ici, on a changé de canton.

C’est sur ce territoire de quelques kilomètres de long que se sont installées des manufactures de garde-temps parmi les plus réputées : Audemaers-Piquet, Jaeger-Lecoultre, Breguet, Blancpain, Patek Philippe, Vacheron Constantin. C’est que l’horlogerie, au cœur de cette vallée encaissée, est bien plus qu’un commerce lambda : c’est un savoir-faire patrimonial, forgé à l’intérieur des ateliers des artisans d’antan, dont les manufactures mondialement célèbres sont les héritières.

Le musée de l’Espace Horloger dans la petite ville Le Sentier offre des démonstrations du travail d’horloger pour que la visite soit réellement interactive.

La présence de l’industrie du fer dans la région a permis la fabrication de pièces d’horlogerie dès le 18ème siècle. Le développement des montres de poche a poussé les premiers horlogers à se former dans la région lémanique autour de Genève mais de retour dans la vallée de Joux, ils ont instruit à leur tour des paysans qui se sont lancés dans la fabrication de montres durant les longs hivers rigoureux. La tradition horlogère s’est ainsi développée ici.

Une expérience qui s’est transmise de père en fils, avec une précision qui n’a d’égale que l’exactitude des gestes nécessaires à la confection des horloges et des montres. Une carte recense quelque 25 fermes héritières de l’histoire horlogère de la région, elles ne se visitent pas hélas mais on peut les reconnaître grâce à leur architecture typique puisque leurs façades sont également percées de nombreuses fenêtres souvent en bandeaux pour ajourer les pignons et offrir un maximum de lumière naturelle aux établis installés jusque dans les greniers.

Vue sur le joli village en pierres de Romainmôtier qui se serre autour de son abbaye.

Outre les manufactures horlogères présentes dans la Vallée de Joux, les amateurs de garde-temps et de mécanismes de précision peuvent profiter d’une attraction majeure dans ce petit territoire : l’Espace horloger installé dans la ville du Sentier.

Ce lieu présente l’histoire de l’horlogerie suisse, de ses différents métiers et des secrets de la conception des montres, le tout à l’aide de supports innovants et interactifs qui incarnent la volonté pédagogique du lieu. C’est une façon, pour l’Espace horloger, d’affirmer sa personnalité, non pas en concurrence, mais en complément des nombreux musées et lieux d’histoire consacrés à l’horlogerie qui pullulent dans l’arc jurassien.

A lire ou relire: Un voyage touristique en terre d’horlogerie 1/2


Infos pratiques :

Infos : https://www.juralacs.com pour les destinations dans le canton de Neuchâtel et https://myvalleedejoux.ch .

Y aller : L’ensemble du parcours couvre depuis et vers la Belgique un petit 2000 km sans péage d’autoroute sur le tronçon français ni de vignette suisse si vous évitez de prendre l’autoroute.

L’Atelier le Garde-Temps www.explorewatch.swiss ou comment entrer dans la peau d’un horloger dans un véritable atelier d’artisan, travailler sur un établi et même créer sa propre montre mécanique. Expérience à réserver.

Le relais de la Truite idéalement situé au bord du lac de Joux dans le village de l’Abbaye est très fréquenté par les vacanciers été comme hiver, pour ceux qui sont tentés par le patinage sur les eaux gelées du lac.

Se loger : Au Locle nous avons passé deux nuits à La Fleur de Lis www.fleur-de-lis.ch un hôtel à la longue et riche histoire car c’est d’ici qu’est partie la Révolution neuchâteloise de 1848, aujourd’hui transformé en un agréable boutique hôtel. Dans la Vallée de Joux, nous avons logé au Relais de la Truite, www.hoteltruite.com avec une terrasse ensoleillée ouverte sur le lac, très appréciée des motards..

Se nourrir. On a testé le restaurant de La Fleur de Lis, avec des propositions de menus en accord avec le terroir qui changent d’une semaine à l’autre. On a également apprécié déjeuner au Locle à La Brasserie de l’Ancienne Poste www.ancienne-poste.ch pour son ambiance conviviale et la touche italienne du menu. On a évidemment goûté la truite du Jura au restaurant de l’Hôtel de la Truite….



















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