Une croisière au fil du Gange (1/3)

Les pirogues recouvertes de planches permettent d’assurer la traversée du fleuve d’une berge à l’autre, sur lesquelles attendent des rickshaws prêts à emporter les passagers vers leur destination finale.

C’était il y a plus d’un an, juste avant que tout s’arrête dans le monde du voyage. Nous aurions dû être une bonne quarantaine à réaliser cette croisière mais déjà la crainte d’une pandémie avait enchaîné son lot d’annulations.

Toutefois All Ways a maintenu la croisière pour les plus « aventureux », une dizaine, et bien nous en a pris. Intimité et sécurité nous ont accompagnés tout au long du voyage d’autant qu’à cette date les berges retirées du fleuve n’étaient pas (encore) touchées par la Covid 19.

On vous invite à remonter avec nous en 3 épisodes le cours de ce fleuve mythique au fil d’escales qui offrent une perspective unique ou comment apprendre à décoder ce pays aux facettes tellement éloignées de notre culture occidentale.

Le travail dans les champs alterne avec la pêche, que ce soit avec des barquettes de fortune ou dans des filets fixés à d’improbables palans en bois et plongés dans l’eau à quelques mètres à peine de la berge.

« Ma Ganga », le fleuve mère comme le surnomment les Hindous est une ligne de vie, une source de prospérité économique mais surtout un lieu de vénération religieuse. Sur les 2.500 kilomètres de leur cours, ces eaux seraient capables de guérir ceux qui s’y immergent et de les libérer du cycle des réincarnations.

Elles irriguent 30% du territoire indien, lavent et nourrissent 450 millions de personnes, soit 40 % de la population ! Même si nous n’en verrons que 10 %, ce parcours suffira à nous confronter à un style de vie insolite à nos yeux et pourtant tellement imprégné d’une certaine douceur.

Après de longues heures d’attente pour passer l’immigration à Calcutta, Kolkata aujourd’hui, nous quittons l’aéroport vers 5 heures du matin. L’aube n’est pas encore là à moins qu’elle ne soit cachée par cette insolite pluie fine qui ne cesse de tomber.

Pour se protéger des crues subites, les villages se construisent en retrait du fleuve ou alors sur une butte tout en ménageant un accès à l’eau, source de vie.

La petite heure de voyage nécessaire à notre transfert au port nous donne un premier aperçu sur la circulation des véhicules dans les rues de la ville : encombrement des camions chargés de riz voire même de paille, des camionnettes où s’entassent des passagers que la pluie ne semble pas perturber, des autos, des rickshaws, des motos et même des vélos…

Parfois on se demande si notre chauffeur ne s’est pas égaré dans une rue à sens unique tant ceux qui arrivent en face occupent toute la largeur de la route. Mais en dernière minute, chacun se rabat de son côté et c’est ainsi en slalomant entre les véhicules mais aussi les chiens errants et quelques vaches sacrées que nous atteindrons le fleuve.

Notre bateau de croisière tracte une barque (chargée de gilets de sauvetage) qui nous permettra d’accoster chaque fois que ce sera nécessaire.

Un univers tout en teck

Le R/V Bengal Ganga a fière allure avec ses 60 mètres de long et son profil arrondi. Il se veut une réplique des steamers utilisés jadis entre autres par les vice-rois de l’Inde et par le prince de Galles. Mais il faut y poser le pied pour découvrir combien il est rutilant dans sa structure toute de teck doré à force d’être astiqué.

Des mains se tendent pour nous accueillir et en un clin d’œil les passagers arborent un collier d’œillets d’Inde et un point vermillon sur le front, signe de bienvenue à la mode indienne, ainsi qu’un verre de jus de fruits. Comme les cabines ont déjà été attribuées, chacun se hâte de découvrir ce qui sera son nouveau home pendant une semaine.

Une séance de yoga sur le pont supérieur en se laissant bercer par le roulis léger du bateau.

Construit dans le chantier naval de Rangoon en Birmanie, le bateau a été acheminé en Inde en 2004 et remis à neuf en 2009. L’arrivée de nombreux touristes Européens désireux de se plonger dans l’histoire coloniale du pays tout en découvrant la vie du fleuve a diligenté un accueil très pointu.

Les 28 cabines doubles réparties entre le pont principal à fleur d’eau et le pont supérieur offrent le même décor de teck avec des rangements distribués dans des tiroirs sous les lits et une large fenêtre ouverte sur la passerelle où sont rangés des fauteuils en rotin garnis de coussins. Une salle d’eau complète l’espace, en teck également à l’exception de la douche dissimulée derrière une persienne en bois.

C’est bien souvent à bord de leurs barques que les paysans rejoignent leurs lopins de terre qui dessinent un joli patchwork en bordure du fleuve.

Avant de se reposer de la nuit trop courte passée dans l’avion, on part à la découverte des espaces communs : un salon-bar-bibliothèque, une salle à manger, un spa et le pont soleil qui deviendra très vite notre lieu de vie. Un bar y délivre en permanence gracieusement eau, thé, café, biscuits et fruits.

Des fauteuils transat y sont installés dos à dos pour mieux observer les alentours tout en étant protégés des ardeurs du soleil par une grande toile. Quelques chaises longues sont aussi tirées au soleil pour les inconditionnels du bronzage. C’est sur ce pont que l’on aimera se retrouver car c’est le seul endroit qui permet de profiter de la vue sur les deux berges, ou alors à l’avant à côté de la cabine de pilotage, là où une petite brise bien agréable née du tracé du bateau diffuse une impression de fraîcheur.

Selon les saisons, le fleuve émerge des îlots de terre qui sont aussitôt apprivoisés par un paysan qui profite de cette terre riche en alluvions.

Au rythme de l’escargot

Au départ de Kolkata, notre bateau remonte la rivière Hooghly, une branche du delta du Gange, sur quelque 250 kilomètres à une vitesse moyenne de 10 kilomètres à l’heure, l’occasion d’observer la vie du fleuve d’autant que sa largeur n’est pas très importante et que le capitaine choisit souvent de longer une berge ou l’autre.

Dans la première partie du fleuve qui reçoit encore les effets de la marée nous croisons de nombreuses pirogues de fortune où un ou deux pêcheurs s’attellent à lancer leurs filets, de quoi vendre leurs poissons sur les marchés locaux.

Improbable échafaudage en bois sur lequel avance un pêcheur pour relever ses filets plongés dans l’eau.

Plus haut, ils disparaîtront de notre décor car le poisson devient rare dans des eaux sans doute trop polluées, même si le guide nous expliquera qu’au-delà de la petite ville de Kalna, les habitants sont essentiellement végétariens.

Les rares pêcheurs plient en deux une feuille de tôle ondulée pour former une barque étroite et plate resserrée d’un côté sur un bois vertical et de l’autre sur une petite planche qui reçoit les nasses récupérées dans l’eau.

D’autres ont planté de hautes perches à proximité de la rive et tendu un filet entre les bambous que le pêcheur enfonce dans la rivière avant de le relever en utilisant tout son poids sur cet improbable échafaudage de bois.

Un instantané de la vie des familles qui vivent au bord du fleuve : le bain des enfants va de pair avec l’heure de la lessive, le linge sèche sur des fils ou des hottes de jute, une vache broute, des barques sont amarrées sur la berge et les maisonnettes sont édifiées à l’ombre du feuillage des arbres.

La plaine qui s’étire loin vers l’horizon est répartie en multiples petits lopins de terre dont on devine qu’en période de mousson, ils peuvent être inondés et enrichis d’alluvions pour offrir une belle récolte plus tard.

Nous verrons des bœufs s’arc-bouter en tirant derrière eux une charrue sur laquelle s’accroche le paysan pour mieux l’enfoncer encore dans la terre. Joli spectacle des dizaines d’ibis blancs qui suivent la herse pour picorer les insectes soulevés par la manœuvre.

Le gardien des bœufs profite de cette pause qui permet à ses bêtes de s’abreuver pour prendre un bain en se savonnant des pieds à la tête.

Parfois, au fil des méandres, surgissent des îlots de terre sablonneuse permettant d’accueillir en saison sèche des rizières et une chaumière en bambou tressé. Des nappes de jonc ondoient dans la brise légère. Insolites à nos yeux, des cheminées de briques scandent le paysage.

On y traite la jute, une richesse du Bengale mais la plupart servent à cuire des briques façonnées avec l’argile des berges du fleuve puis séchées au soleil. Malheureusement ces rives sableuses s’affaissent peu à peu, creusées par des familles entières pour arracher la terre qu’elles emmènent à la briqueterie.

Aucun parapet ne borde la pirogue qui permet aux passagers de passer d’une berge à l’autre le plus souvent avec leurs vélos voire même leurs mobylettes pour rejoindre leur destination finale.

Durant la croisière, nous sommes sur le pont dès les premières lueurs de l’aube, fascinés par la brume qui assourdit les couleurs et estompe les contours. C’est aussi l’heure du départ qui se fait en douceur et en silence.

Au petit matin, on perçoit le bruissement des vies comme le moteur hoquetant des pirogues recouvertes d’un plancher de bambous pour se transformer en bacs qui transportent la population d’une grève à l’autre.

Chacun se tient debout, souvent à côté de son vélo, aucun parapet de protection n’est installé, on a l’habitude. On reconnaît aussi le bruit des pompes qui tirent l’eau du fleuve pour inonder des rizières vertes et scintillantes quand elles sont gorgées d’eau.

Le matin, nombreux sont les pêcheurs qui viennent relever leur filet. Ils n’ont que des pagaies pour avancer et contrôler le mouvement de la barque.

Plus en amont, le paysage se garnit d’arbres : des palmiers, des manguiers, des bananiers qui encadrent des petits villages serrés de tôle, d’adobe et recouverts de branchages. Ils sont souvent perchés sur une petite butte pour se protéger des inondations de la mousson.

Le fleuve se déroule tel un ruban aux couleurs mordorées creusant son chenal dans une plaine fertile, où toutes les gammes de verts dessinent un damier chatoyant sous un ciel noyé de bleu.

Cette barque de fortune fabriquée avec une feuille de tôle ondulée resserrée d’un côté sur un bois vertical et de l’autre sur une petite planche suffit au pêcheur pour retirer ses nasses.

Ce sont les femmes qui donnent de la couleur aux paysages avec leurs saris éclatants qu’elles ne quittent pas, même quand elles se baignent ou font leur lessive. D’un mouvement ample elles lancent leur linge vers le ciel avant de le battre sur une pierre affleurant la rivière.

Autour d’elles une myriade d’enfants joue dans l’eau et nous salue en criant, n’hésitant pas à courir sur la berge pour rester à notre hauteur. Ailleurs ce sont les hommes qui s’immergent dans le fleuve, pour leurs bains à moins que ce ne soit pour leurs ablutions.

Régulièrement des ghâts, à savoir des marches qui permettent de descendre dans l’eau sacrée, ont été aménagés sur les rives et à chaque fois, un petit temple est installé sur les hauteurs.

Notre bateau de croisière tracte une barque (chargée de gilets de sauvetage) qui nous permettra d’accoster chaque fois que ce sera nécessaire.

All Ways et Rivages du Monde se sont associés pour proposer cette croisière exceptionnelle au fil du Gange sur le R/V Bengal Ganga avec en prolongation incluses deux nuits à Varanasi, ex-Bénarès, une ville intemporelle sur ce fleuve sacré.

Cette croisière rythmée chaque jour par une escale de 2 ou 3 heures permet de s’immerger dans une Inde hors des sentiers battus, à la fois par les découvertes de la vie sur les berges et celles des richesses culturelles du Bengale Occidental.

Une croisière très confortable dans un bateau de style colonial chargé d’âme, grâce au nombre réduit de cabines, au service de qualité du staff et à la formule all inclusive à l’exception des boissons alcoolisées et du spa.

Il faut ajouter le plaisir de la table en formule buffet au petit déjeuner et au déjeuner et sur base d’un menu pour le dîner avec toujours le choix entre des plats préparés à l’occidentale et d’autres aux délicieuses saveurs indiennes pas trop épicées pour nos palais peu habitués. Des activités sont également proposées : conférences, cinéma, cours de yoga, initiation à la gastronomie indienne, spectacle de danses… Un voyage tout en sérénité et en sécurité à revivre sans doute en 2022 … www.all-ways.be

 

 

 

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