Une croisière au fil du Gange (3/3)

Chaque soir, une foule immense et joyeuse assiste au Ganga Aarti, cette cérémonie quotidienne qui célèbre le dieu Shiva et le Gange sacré.

C’était il y a un an, juste avant que tout s’arrête dans le monde du voyage. Nous aurions dû être une bonne quarantaine à réaliser cette croisière mais déjà la crainte d’une pandémie avait enchaîné son lot d’annulations. Toutefois All Ways a maintenu la croisière pour les plus «aventureux», une dizaine et bien nous en a pris.

Intimité et sécurité nous ont accompagnés tout au long du voyage d’autant qu’à cette date les berges retirées du fleuve n’étaient pas (encore) touchées par la Covid 19. On vous invite à remonter avec nous en 3 épisodes le cours de ce fleuve mythique au fil d’escales qui offrent une perspective unique ou comment apprendre à décoder ce pays aux facettes tellement éloignées de notre culture occidentale.

Les maisons occupées par plusieurs membres d’une grande famille s’organisent autour d’une cour percée d’une pompe à eau et où sont maintenues quelques vaches avant d’être promenées le long du fleuve.

La vie des villages

Chaque escale est aussi l’occasion de s’égarer entre les venelles des villages ou petites villes qui abritent un site patrimonial. Nos incursions curieuses sont bien accueillies et les enfants nous entourent souvent d’autant que durant notre séjour, on célèbre en Inde la fête de Holi ou fête du printemps, l’occasion de se barbouiller de couleurs et ils sont fiers de s’exhiber ainsi.

Dans les villages on vit les uns sur les autres, et les animaux, biquettes et coqs de combat maintenus dans leurs paniers, participent à la vie communautaire.

La plupart des maisons abrite une vaste cour que se partagent 2 ou 3 familles avec à chaque fois une petite étable en partie ouverte sur les côtés et chapeautée d’une tôle ondulée. Chacune loge une vache et en cette saison un veau.

La cuisine est généralement aménagée sous un petit abri avec un four en terre cuite alimenté par des bouses de vache séchées. Partout les murs qui reçoivent le soleil sont tapissés de ces bouses écrasées à la main. Elles servent à la consommation des familles mais elles sont aussi vendues sur le pas de la porte.

Tout est bon pour vendre dans la rue, des jouets sans doute made in China suspendus sur des fils, des fruits et légumes déposés en tas à même le sol ou encore sur un tricycle qui se promène le long du marché à la recherche de clients.

Les vaches sont précieuses non seulement pour les combustibles qu’elles donnent mais aussi pour leur lait qui sert à préparer les yogourts dont on accompagne toujours le biriani, un plat complet de riz agrémenté de morceaux de poulet et de quelques légumes sautés.

Avec un peu de chance, chaque cour a sa pompe à eau et sinon on en trouve au coin des rues. Partout on croise des biquettes encore pleines ou déjà accompagnées de leurs agneaux que notre présence n’impressionne pas.

Dans les villages de nombreux murs sont tapissés de mottes de bouse de vache qui sèchent au soleil avant d’être vendues pour servir de combustible.

On s’étonne de découvrir des villages aussi propres, avec des rues balayées avec soin avec un plumeau en bois, et les seuils des maisons et des cuisines nettoyés avec de la bouse de vaches humidifiée considérée comme un excellent antiseptique. Évidemment les nombreux tas de déchets s’agglomèrent ensuite dans les maisons en ruines ou les terrains en friche au bord du fleuve…

Un authentique artisan fier d’exposer son travail de création d’une assiette votive en laiton.

Nous nous promènerons aussi dans les marchés colorés entre des étals couverts de pyramides de légumes bien dodus : choux, carottes, aubergines, haricots, courges, concombres, tomates … et de fruits plus rares comme des énormes pommes de jacquiers. Bien souvent c’est au niveau du sol que se présentent les produits plus humbles du lopin de terre du vendeur.

Les chèvres tenues à un pieu se tuent au fur et à mesure de la vente pour ne pas perdre de marchandise.

Les poulets blancs s’entassent dans des paniers et les poissons vivent encore dans des bassines d’eau pour maintenir leur fraîcheur. En général le marché est une affaire d’hommes en Inde, que ce soit pour vendre comme pour acheter.

Un artisanat qui permet aux villageoises de gagner quelques roupies : la fabrication de cigarettes hindoues recueillies chaque semaine par des grossistes pour les vendre dans les villes.

Quant aux souvenirs, on n’en trouve pas dans ces contrées non touristiques. Même si à Matiari notre promenade sera scandée par le martellement des coups de marteau frappés par des artisans sur du laiton ou du cuivre, les objets fabriqués sont surtout d’utilisation courante comme des anses de seaux, des bougeoirs à encens, des petits pots à vermillon et des représentations miniatures de leurs dieux.

Quant aux cigarettes roulées à la main dans des feuilles de tendu, elles n’inspirent pas confiance aux touristes amateurs de tabac. Il faudra attendre notre visite à Bénarès au lendemain de la croisière pour trouver des tissus chatoyants, de quoi s’offrir des nappages, des draps ou tout simplement des foulards en soie.

Le Harishchandra ghât est l’un des deux ghâts de crémation à Bénarès, fréquentés bien sûr par des vaches qui viennent y brouter les fleurs qui couvraient les linceuls des défunts.

Varanasi, l’ex-Bénarès, une fourmilière sacrée

Bénarès, une expérience marquante après notre semaine au ralenti au fil de notre croisière où les heures se sont étirées, donnant l’impression d’avoir parcouru un long périple d’à peine 500 km pourtant, d’autant que la terre vue de l’eau offre toujours une nouvelle mise en scène. Pour certains voyageurs, la vieille ville est une révélation inspirante, pour d’autres un choc culturel tant on est happé par la mendicité, le flux humain et la présence omniprésente des vaches.

C’est d’abord un lieu imprégné de prières ferventes toutes liées au Gange. Sur le croissant de près de 8 km dessiné par la ville au bord du fleuve, quelque 80 ghâts de granit surplombés de palais anciens, de forts et de temples permettent d’y descendre. Dès l’aube, les hommes sont déjà nombreux à abandonner leurs vêtements sur les marches pour s’immerger dans l’eau revêtus d’un simple pagne.

Dès le matin mais encore dans l’après-midi, nombreux sont ceux qui se submergent dans le Gange tout en se recueillant face au soleil, les hommes comme les femmes.

C’est l’heure des ablutions face au soleil levant. Sur le quai s’agitent aussi des masseurs, des barbiers, des nettoyeurs d’oreille, des vendeurs de fleurs, de conques et de bidons pour emporter un peu de cette eau sacrée chez soi, mais aussi des sages qui interprètent les textes sacrés.

Il faut y revenir en soirée, à l’heure du coucher pour assister au Ganga Aarti, cette cérémonie quotidienne qui célèbre le dieu Shiva et le Gange sacré qui aurait été apporté du Paradis dans la chevelure de Shiva. Les brahmanes parés de tuniques orangées officient tournés vers le fleuve.

La ville de Bénarès est trépidante et le moyen le plus simple pour approcher les ghâts est de louer un rickshaw qui dépose les passagers au pied de la haute colonne surmontée par la statue d’une vache sacrée.

Ils procèdent aux rituels de la puja, récitent des mantras, agitent des clochettes, soufflent dans des conques et offrent le feu dans des gestuelles traditionnelles solennelles de circonvolutions harmonieuses au milieu de volutes d’encens, avec un grand bougeoir formé de plusieurs bougies étagées mais aussi avec une coupe enflammée à tête de cobra.

Comme souvent dans les cérémonies hindouistes, tout est purifié par le feu et la fumée qui envahit peu à peu la scène et participe à cette purification de l’âme.

La cérémonie assez longue s’achève avec une pluie de fleurs jetées sur le fleuve. C’est aussi le moment pour les pèlerins de lancer sur l’eau depuis les ghâts ou depuis les bateaux de curieux des coupelles fleuries éclairées avec une mèche de camphre que l’on allume en formulant un vœu.

Ce chapelet d’offrandes aux lumières scintillantes qui glissent sur le fleuve compose un souvenir inoubliable.

Il ne faut pas hésiter à découvrir Bénarès depuis le Gange en louant une barque ou un bateau, l’occasion de faire une longue descente non loin des berges et de vivre ainsi au plus près l’expérience des crémations.

Seuls deux ghâts leurs sont dévolus, le plus important étant le Manikarnika Ghât. Sur une plate-forme brûlent plusieurs feux. Le linceul du défunt amené à dos d’hommes sur une civière en bambou est d’abord déposé sur les marches du ghât avant d’être entièrement plongé dans le fleuve. Ce n’est qu’ensuite qu’il est placé sur le bûcher avant d’être recouvert de bois.

A l’occasion de la fête de Holi, les enfants sont trop heureux de se barbouiller de couleurs

La famille reste présente sur les côtés à l’abri de la chaleur afin de veiller à ce que le temps de la crémation, quelque 3 heures, soit bien respecté. Des vaches errent sur les marches à la recherche des colliers d’œillets d’Inde qui sont abandonnées devant les bûchers, une aubaine pour se nourrir.

A la fin de la crémation, la plupart des restes sont jetés dans le fleuve et la place est sommairement nettoyée. Celui qui a accompagné le défunt remplit une vasque en terre cuite d’eau du Gange puis il tourne le dos au fleuve et balance le pot par-dessus son épaule. C’est l’ultime geste d’adieu. Il peut maintenant s’éloigner sans se retourner.

Vélos et rickshaws tirés par une mule sont courants à Murshidabad pour circuler d’un site à l’autre et sur le chemin de l’école.

Il faut savoir que mourir à Varanasi est un must recherché par tous les Hindous qui ont la foi car les écritures assurent que le corps qui brûle ici échappe au cycle des réincarnations et rejoindra directement le nirvana, plutôt nommé moksha dans l’hindouisme.

Cette croyance est tellement vivace que certains vieillards sentant leur mort approcher, surtout les veuves, viennent s’installer ici dans d’anciens palais transformés en mouroirs où ils ont quinze jours pour décéder…

Dans une cour cernée par des maisonnettes, une femme assise sur une charrette tisse une corde dont le bout est accroché à son orteil, tout en bavardant avec ses compagnes.

Le plus saisissant sans doute est que quelques dizaines de mètres plus loin, apparaissent d’autres ghâts grouillant de monde où les hommes et les femmes viennent se baigner et faire leur lessive… La vie et la mort font bon ménage en Inde d’autant que la mort, à Bénarès du moins, est vue comme une libération.

Texte : Christiane Goor Photos : Charles Mahaux

A lire ou relire :

Une croisière au fil du Gange (1/3)

Une croisière au fil du Gange (2/3)

Notre bateau de croisière tracte une barque (chargée de gilets de sauvetage) qui nous permettra d’accoster chaque fois que ce sera nécessaire.

All Ways et Rivages du Monde se sont associés pour proposer cette croisière exceptionnelle au fil du Gange sur le R/V Bengal Ganga avec en prolongation incluses deux nuits à Varanasi, ex-Bénarès, une ville intemporelle sur ce fleuve sacré. Cette croisière rythmée chaque jour par une escale de 2 ou 3 heures permet de s’immerger dans une Inde hors des sentiers battus, à la fois par les découvertes de la vie sur les berges et celles des richesses culturelles du Bengale Occidental.

Chaque pont offre le plaisir de se poser devant sa cabine et de regarder défiler le paysage.

Une croisière très confortable dans un bateau de style colonial chargé d’âme, grâce au nombre réduit de cabines, au service de qualité du staff et à la formule all inclusive à l’exception des boissons alcoolisées et du spa. Il faut ajouter le plaisir de la table en formule buffet au petit déjeuner et au déjeuner et sur base d’un menu pour le dîner avec toujours le choix entre des plats préparés à l’occidentale et d’autres aux délicieuses saveurs indiennes pas trop épicées pour nos palais peu habitués.

Des activités sont également proposées : conférences, cinéma, cours de yoga, initiation à la gastronomie indienne, spectacle de danses… Un voyage tout en sérénité et en sécurité à revivre sans doute en 2022 … www.all-ways.be

 

 

 

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