Le petit village de Aappilattoq établi sur un affleurement rocheux au bord du fjord semble écrasé par la falaise rocheuse qui le domine.

Jour 3 de notre croisière,. Nous avons quitté la côte Est du Groenland et nous enfonçons dans le Prince Christian Sund en direction de la côte Ouest, une navigation lente, de quoi en mettre plein les yeux au fil de l’eau…

Une sortie en zodiac a été prévue à Aappilattoq, le seul village habité le long du fjord. Il compte à peine une centaine d’habitants et quand le bateau décide de s’arrêter en face du site incroyable où au pied de hautes falaises rocheuses une poignée de maisonnettes colorées se sont établies sur une langue de terre rocailleuse entre deux fjords, chacun scrute avec anxiété la tentative de sortie effectuée par un zodiac et quelques experts comme on les appelle entre nous. Le verdict est implacable, le courant est trop violent pour effectuer la traversée au travers du fjord jusqu’au village, il y a trop de risques d’être submergé par les eaux…

Pour nous consoler, le bateau empruntera une ramification d’un fjord plus paisible pour nous offrir une sortie avec un débarquement sur une plage caillouteuse où on découvrira avec surprise une variété inattendue de fleurs basses de couleurs variées protégées par des bouquets d’herbes hautes. L’occasion aussi de suivre une leçon de géologie en contemplant les roches qui semblent avoir une structure en feuillets caractérisée par une alternance de fins lits clairs composés entre autres de quartz et de lits plus sombres de minéraux. Il s’agit de gneiss, une roche qui a subi un épisode de déformation lors de l’augmentation de la pression et de la température il y a cela des milliards d’années quand notre planète terre s’est disloquée pour peu à peu dessiner les continents actuels.

Brattahlid, un village viking sur la côte Sud-Ouest du Groenland

Brattahlid, actuellement Qassiarsuk, offre un paysage bucolique qui a quelque chose d’insolite sous ces latitudes

Quand on découvre au matin le paysage verdoyant qui ceinture le hameau de Qassiarsuk à la pointe du fjord de Tunulliarfik encore appelé Eriks Fjord, on ne s’étonne pas que le viking Erik le Rouge contraint de s’exiler d’Islande et explorateur des côtes groenlandaises ait choisi de se poser ici en 982 pour y fonder une colonie de fermiers. Persuadé d’avoir déniché un trésor de la nature il lui donnera le nom de Groenland, pays vert par opposition à son Islande natale, terre de glace espérant ainsi attirer de nouveaux colons.

Ici les prés escaladent doucement les collines et grimpent dans l’arrière-pays à la manière de nos alpages. Le site portait le nom de Brattahlid et on trouve encore des ruines vikings datant d’un millier d’années : les fondations de la première église chrétienne du Nouveau Monde sous l’impulsion de Tjodhilde, la femme d’Erik le Rouge convertie au christianisme ou encore les vestiges du Ping, l’assemblée politique locale qui créa ici une République Viking. On ne sait trop pourquoi exactement la population viking du Groenland s’éteignit au 15ème siècle : rigueurs du climat ? stérilité des sols ? famine ? épidémies ? Leur disparition reste énigmatique.

La maison d’Erik le Rouge et l’église Tjodhilde reconstituées ici côte à côte alors que Erik permit à sa femme de construire son église à condition qu’elle ne fut pas visible depuis sa ferme

En l’an 2000, deux splendides reconstitutions de l’église Tjodhilde et d’une maisonnette d’époque attribuée à Erik le Rouge permettent de donner une idée de l’architecture viking en tourbe et en bois au cœur d’un vaste paysage ouvrant sur le fjord. Depuis 2017 le paysage « culturel » du village de Qassiarsuk a été classé au patrimoine de l’Unesco. Le hameau actuel a été fondé en 1924 par un pionnier de l’élevage de moutons, marchant sans doute sur les traces de la première colonie de fermiers vikings.

Aujourd’hui ils sont à peine une cinquantaine d’habitants éparpillés entre une dizaine de fermes qui survivent sans doute grâce à une situation géographique à l’abri des tempêtes de l’océan. La pluie battante qui nous accompagnera durant toute notre balade de ce bout de terres nimbées d’histoire ne refroidira pas notre enthousiasme d’autant que ce sera aussi l’occasion de croiser quelques habitants entre la supérette et un petit café géré par quelques fermières et baptisé Thorhildur en l’honneur de la femme d’Erik le Rouge.

Au Nord du cercle polaire, Sisimiut…

A Sisimiut on raconte que les maisonnettes en bois colorées sont des modèles Légo avec leur design pointu qui se répète régulièrement

La petite ville de Sisimiut est notre premier contact avec la civilisation groenlandaise. A 40 km au nord du Cercle polaire arctique, la seconde plus grande ville du pays avec ses 5500 habitants se révèle séduisante avec sa collection de maisons colorées qui s’agrippent aux affleurements rocheux qui cernent le port qui serait le port le plus septentrional du pays à être libre de glace toute l’année. C’est au départ de Sisimiut que partent les navires de ravitaillement de la compagnie groenlandaise Royal Arctic vers le Nord pour desservir toute la côte en vivres, fournitures ou encore électroménagers.

Le musée de Sisimiut qui regroupe plusieurs bâtiments historiques est au cœur du village, non loin du port

La vieille ville rassemble plusieurs bâtiments coloniaux qui forment ensemble un musée consacré à l’histoire et à la culture locales. Pour pénétrer dans cet espace il faut passer sous un portail formé par le squelette d’une mâchoire de baleine, geste qui porte bonheur dit-on là-bas. La réunion de ces bâtiments historiques donne une idée de ce à quoi devait ressembler la ville dès le 18ème siècle. Certains bâtiments ont été déplacés ici, d’autres ont été reconstruits à l’identique. La petite église bleue toute en bois consacrée en 1775 a été achetée 60 barils de graisse de baleine fournis par la population de l’époque ! La résidence du Gouverneur avec son étage et sa véranda date de 1846 et affiche une certaine richesse, elle abrite une exposition qui décrit le développement industriel de Sisimiut devenu le premier port de pêche et de conditionnement de crevettes du pays. La maison de tourbe restitue un art de vivre du début du 20ème siècle avec du mobilier d’époque. La vieille maison de 1756 rassemble des trouvailles issues de recherches de fouilles archéologiques près de la ville offrant un aperçu de la culture Saqqaq dans la région il y a 4000 ans. Pas étonnant que l’Unesco ait salué le site comme patrimoine culturel.

… et Ilulissat, la capitale des icebergs

A Ilulissat, on comprend que la vie tourne autour du port envahi par de très nombreux petit bateaux de pêche et de toirisme

A quelque 300 km du cercle polaire arctique, Ilulissat, 3ème ville du pays, sera notre destination la plus septentrionale et celle qui nous offrira aussi un grand coup de cœur. En langue groenlandaise Ilulissat signifie « icebergs » et ce n’est pas pour rien. Le site dominé par le glacier Sermeq Kujalleq qui s’avance dans un fjord échancré est un point d’observation privilégié de tonnes de glaciers vêlés par la langue glaciaire qui se jettent en s’accumulant dans les 60 km du fjord. Ce glacier, un des rares lieux où la calotte glaciaire du Groenland atteint la mer, en fait un des glaciers les plus actifs avec un vêlage annuel de plus de 46 km3 de glace soit 10% de tout le vêlage de glace du Groenland. (A suivre)

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