La route qui court sur le tracé de l’ancienne piste caravanière de la Route de la Soie est jalonnée d’humbles petits villages.

Plutôt que vous raconter étape par étape notre croisière ferroviaire le long de la Route de la Soie, je préfère vous plonger ici dans cet environnement très différent du nôtre par le biais des héros de jadis à qui l’Asie Centrale et particulièrement l’Ouzbékistan doit sa richesse architecturale. Je terminerai dans une dernière partie avec nos coups de cœur.

La Transoxiane était à l’époque de la route de la Soie la juxtaposition de deux pays, la Sogdiane au Nord et la Bactriane au Sud. Samarcande, capitale de la Sogdiane, était la ville de contact entre les populations nomades de la steppe, la civilisation perse et l’Inde. Peuple de commerçants mais aussi de lettrés, les Sogdiens ont installé des comptoirs au-delà des frontières de leur pays. La Bactriane est le voisin sud de la Sogdiane avec laquelle les relations étaient paisibles et commerciales. Leurs chameaux à deux bosses avec une fourrure laineuse étaient recherchés pour survivre aux déserts froids du Gobi mais aussi aux déserts chauds de l’Iran.

Alexandre le Grand en conquérant la Perse atteindra la Transoxiane où il épousera Roxane, une princesse de Bactriane, espérant ainsi assurer la pérennité de l’empire qu’il a créé au 4ème siècle avant Jésus-Christ. Au début de notre ère, la région est occupée par des Ouighours venus du Xinjiang puis aussi par des Huns blancs ancêtres du peuple turc Ouzbek qui s’installent dans la région. Tous vont jouer un rôle de communication entre les peuples de la steppe et les cités d’Asie du Sud ainsi qu’entre les Chinois et les Empires de l’Ouest de l’Asie.

Entrée du mémorial-musée consacré à Ulug Beg astronome et à ses découvertes scientifiques, sur le site où il avait construit son observatoire à Samarcande.

La région voit naître et prospérer des savants comme Al-Khwârizmî créateur de l’algèbre né à Khiva en 780 ou encore Avicenne né près de Boukhara en 980, philosophe et médecin qui réunit le savoir médical de son époque ainsi que ses propres observations dans « Le Canon de la Médecine », une œuvre encyclopédique qui influencera la pratique de la médecine occidentale jusqu’au 17ème siècle.

Au printemps 1206, un homme qui a pris la tête de plusieurs clans mongols, se fait reconnaître souverain par toutes les tribus et se voit conférer le nom de Gengis Khan. Fort de son prestige il attaque le territoire chinois et rase la cité de Pékin en 1215. De retour en Asie Centrale il entre en Transoxiane, marche sur Boukhara en 1220 dont il massacre la garnison sans détruire la ville. Même indulgence pour Samarcande un mois plus tard. A sa mort il laisse ses terres à ses 4 fils légitimes, le second Djaghataï hérite de la Transoxiane.

Tamerlan, figure tutélaire de l’Ouzbékistan

L’énorme statue du conquérant Tamerlan, debout, au cœur de ce qui fut son palais d’été dont il ne reste plus que les vestiges du portail d’entrée, à Chakhrisabz, sa ville natale.

109 ans après la mort de Gengis Khan naît Timur à Chakhrisabz en Transoxiane. Plus connu sous le nom de Tamerlan dérivé de Timur-eLeng en langue perse qui signifie « boîteux de fer », Tamerlan rappelle quelque peu la personnalité guerrière de Gengis Khan. Comme lui il fut l’un des plus grands conquérants d’Asie et il a libéré l’Occident de la menace mongole. Comme lui, il laisse le souvenir d’un « barbare sanglant » qui dévastait tout sur son chemin dans la construction d’un immense empire timouride. Mais au contraire de Gengis Khan, il était instruit, parlant plusieurs langues et s’entourant de sages mentors. Pas étonnant qu’au moment où les nations de l’ex-URSS se divisaient en Etats indépendants, la figure de Amir Timur, bâtisseur qui avait fait de Samarcande une capitale mondiale et avait su unifier tant d’ethnies différentes, apparut comme la seule à même de créer un engouement national.

A Tashkent, l’immense statue équestre de Tamerlan alias Amir Timur trône au centre de la place qui porte son nom avec en arrière-plan l’hôtel soviétique Uzbekistan construit en 1974 et tout aussi démesuré

Pas une ville ouzbèque qui n’ait sa statue ou sa place ou sa rue Amir Timur, toujours aussi monumentale que les sculptures soviétiques dressées à la gloire des héros de la grande guerre ou en souvenir du tremblement de terre qui dévasta Tashkent en 1966. Au centre de la place Amir Timur de Tashkent se dresse ainsi une imposante statue équestre de Tamerlan qui a remplacé celles successives de Lénine, Staline et Karl Max. Tout aussi grandiose, une statue du conquérant, debout, fait face aux impressionnants vestiges du portail de son palais d’été, Ak-Saraï, qui s’élèvent encore à 38 mètres de hauteur alors qu’il se dressait à 70 mètres à l’époque. On devine aisément combien le site décoré de mosaïques bleue-marine formant un système compliqué d’arabesques devait impressionner les illustres visiteurs de Tamerlan.

Le cénotaphe de Tamerlan, alias Amir Timur, en jade noir dans le mausolée Gour-e-Amir.

Autre visite incontournable, la crypte du mausolée Gour-e-Amir, un des joyaux de Samarcande, construit à l’origine par Tamerlan pour son petit-fils mort en Perse durant une bataille. Sa pierre tombale formée d’une seule pierre de jade noire est entourée de 6 autres cénotaphes car les véritables cryptes se trouvent dans une pièce en-dessous. On est également frappé par la richesse du mausolée, le large dôme azur cannelé et le splendide portail riche en décorations.

Une anecdote plane encore sur la malédiction de Tamerlan inscrite sur son tombeau : « Quand je reviendrai à la lumière du jour, le monde tremblera ». Or le 22 juin 1941 quand les scientifiques soviétiques ouvrent le cercueil d’ébène sur l’injonction de Staline, ce même jour Hitler envahit l’Union Soviétique, une opération qui allait faire des millions de morts…

Ulugh Beg, l’étoile de l’astronomie arabe

La statue assise dorée d’Ulugh Beg, plus astronome que prince, érigée devant les vestiges de l’observatoire qu’il avait construit, avec en arrière-plan un ciel étoilé qui rappelle sa passion pour les astres

Petit-fils de Tamerlan et vice-roi de Transoxiane dès 1410 (il avait 15 ans à peine) puis roi en 1447, le prince Ulugh Beg a porté très haut le flambeau des sciences arabo-musulmanes avant que celles-ci ne s’éteignent inexorablement sous les coups de l’obscurantisme. On lui doit la construction d’un observatoire dont les travaux accumulés sur une vingtaine d’années aboutirent à la rédaction d’un traité monumental mis à jour par Ulugh Beg lui-même. On lui doit entre autres des données essentielles pour calculer la position du Soleil et de la Lune ainsi qu’un catalogue de 1018 étoiles. Il définit déjà la durée de l’année sidérale à 365j 6h 10mn 8s soit un écart de 58s avec la valeur moderne !

S’il ne reste plus grand-chose de son observatoire qui fut rasé par son fils qui le fit assassiner, subsistent toutefois des Madrasas où se formèrent des juristes, des religieux et des savants. Fortement endommagée par des tremblements de terre, la Madrasa Ulugh Beg de Samarcande a été restaurée par les soviétiques. Le portail principal avec ses étoiles en mosaïque sur le tympan offre l’apparence d’un ciel étoilé tandis que les pylônes sont garnis de jolies majoliques aux motifs géométriques, caractéristiques des monuments de Samarcande.

La partie supérieure du portail de la médersa d’Ulugh Beg à Samarcande raconte la passion du prince astronome pour les étoiles

Ulugh Beg a également construit une Madrasa à Boukhara et les motifs ornementaux sont dominés par des éléments astraux associés à la vision du monde du prince astronome. Comme toutes les madrasas, elle est construite autour d’une cour intérieure autour de laquelle s’articulaient jadis les différents éléments de l’école. Aujourd’hui la plupart des monuments ont été vidés de leur substance religieuse et les cours abritent des boutiques d’artisanat local. (à suivre)

Les cours intérieures des madrasas sont occupées aujourd’hui par des vendeurs d’artisanat

Pratique
Nous avons voyagé avec Voyages d’Exception, le spécialiste des voyages et croisières francophones, www.voyages-exception.fr qui propose cette croisière ferroviaire l’an prochain toujours avec Chantal Forest en conférencière. Vous pouvez également découvrir les informations sur tous les voyages en trains proposés par Lernidee www.lernidee.de.

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