La Famille de la Forêt, un art de vie de Belges au Québec (2/2)

C’est le titre d’un documentaire de près d’une heure trente qui sort en salle dans plusieurs villes québécoises à partir du 8 avril, bien loin de chez nous hélas mais au vu du parcours de la réalisatrice Laura Rietveld qui a déjà gagné quelques prix, on peut rêver que ce nouveau documentaire qui a nécessité près de 7 ans de travail arrive un jour sur nos écrans. En attendant laissez-moi vous raconter l’étonnant parcours de vie de Gérard et de Catherine.

Rien ne se perd : les lapins broutent l’herbe, l’eau de pluie est récoltée, le mur ensoleillé est couvert de plantes et tout respire la luxuriance.

Il faut quitter la route de la côte, s’enfoncer un peu dans l’arrière-pays et ne pas louper le chemin forestier dont l’entrée est masquée par des épinettes. Près d’un kilomètre de piste empierrée tracée au cœur de la forêt débouche soudainement sur une large clairière : des clôtures, un pré où paissent un taureau écossais et quelques vaches Jersey, deux gros chiens bergers aux longs poils blancs qui accourent en aboyant, une basse-cour piaillante et une maison imposante, toute en bois avec de larges fenêtres. Une femme, bottines aux pieds, pousse devant elle une brouette chargée de courges vertes et dorées. Un homme, bonnet vissé sur la tête, surgit d’une bâtisse voisine, une étable qui garde au chaud les bêtes durant l’hiver. Bienvenue chez Catherine et Gérard.

Le taureau de race Highland est tout à fait adapté au Québec, il vit d’ailleurs dans la forêt quand vient l’hiver et est un excellent reproducteur.

Le besoin d’enracinement au cœur de la nature.

Quand on fait le tour du propriétaire, on comprend vite qu’ils ont réalisé leur rêve ici. Dès leur arrivée au Québec, ils ont d’abord pris leurs quartiers dans la vallée de la Matapédia en attendant de dénicher une terre à vendre. Polyvalent, Gérard trouve rapidement du travail  comme ouvrier agricole et ensuite au groupement forestier local mais il choisit d’utiliser aussi son expertise de la forêt en créant avec Catherine une petite entreprise, Gaspésie Sauvage, spécialisée dans la cueillette de produits forestiers tels que les champignons, les baies ou les plantes sauvages. Gérard n’hésite pas à passer quelques jours à Montréal, à un millier de km de là, pour remettre des échantillons aux épiceries fines et aux restaurateurs.  Le bouche-à-oreille a fait le reste.

La forêt toute proche est riche de plantes et autres champignons soigneusement récoltés quand vient la saison.

Le même qui lui permet de découvrir quelque 35 ha de forêts non loin de Gaspé. Ils s’engagent, choisissent l’emplacement de la future maison, tracent une piste et tirent l’électricité jusqu’à la future clairière. Le bois coupé sert à construire la maison dessinée par Catherine, dont le goût très sûr n’est pas étranger à sa formation de graphiste. En mars 2010, après 3 ans de travaux, ils s’y installent et développent dans un atelier étincelant de propreté inoxydable leur fabrication de produits séchés mais aussi de produits frais envoyés chaque semaine aux meilleurs chefs de Québec, Montréal et même Toronto. « Attention, précise Gérard, nous ne travaillons que de façon artisanale en utilisant ce que donne la forêt sans pour autant l’exploiter ». Une nuance importante et un marché finalement assez restreint mais très intéressé par la qualité des produits finis proposés. Gaspésie Sauvage se retrouve dans les rayons des épiceries fines et dans les magasins d’alimentation biologique.

Rien ne se perd : les lapins broutent l’herbe, l’eau de pluie est récoltée, le mur ensoleillé est couvert de plantes et tout respire la luxuriance.

L’entreprise permet de faire face aux factures inévitables car pour le reste, la famille Mathar peut se targuer de vivre presque en autarcie, avec en tout cas une autonomie alimentaire qui laisse rêveur. L’étable abrite plusieurs animaux qui vont ravitailler les congélateurs en prévision de l’hiver : volaille, cochons dodus, nichées de lapins, pigeonneaux, veaux viandeux, etc…Gérard a également construit un four à pains et une fromagerie avec sa salle d’affinage. Catherine s’en donne à cœur joie dans un potager où légumes, fleurs et herbes aromatiques poussent en pagaille.

Plongée sur les serres et le potager cernés par la forêt.

Elle a installé deux serres de productions maraîchères qu’elle alimente avec les graines qu’elle sèche elle-même. Quand vient le temps de la récolte, tout est conditionné dans des pots « masson » qui sont nos wecks version québécoise. La visite des caves où se cache la réserve est impressionnante : bocaux de confiture, marinades, multiples conserves, limonades faites maisons, jus de baies, saucissons séchés, terrines, etc. De quoi tenir durant de nombreux mois !

Explosion de la nature quand on découvre la première récolte des courges du jardin.

Le gîte qu’ils envisageaient en Belgique, ils l’ont construit et aménagé eux-mêmes ici, la Comptonie Voyageuse, du nom d’une plante indigène dont le goût évoque la banane. Installé au-dessus de l’atelier, il a déjà séduit de nombreux voyageurs, d’abord pour le confort inattendu qu’il offre dans un décor boisé exceptionnel. Tout y est chaleur et générosité, à l’image des propriétaires. Catherine y a peint au pochoir des dictons wallons qui décorent les murs en bois brut, elle a semé aussi des dessins de champignons et des sculptures en bois. Tout a été pensé pour que l’on s’y sente bien, comme dans un cocon. La dernière-née, c’est la micro-maison au milieu de la forêt, hors réseau, ni électricité ni internet mais éclairage LED solaire et sur batterie, douche solaire et cuisinière au propane.

La belle complicité de ce couple qui jour après jour réalise son rêve de vie au cœur de la nature.

Ensuite, il y a pour ceux qui le souhaitent le partage de moments rares avec cette famille toujours occupée par le travail de la ferme mais qui n’hésite jamais à prendre le temps de bavarder et d’échanger sur leur choix de vie qui ne leur offre sans doute guère de répit mais qui nourrit leur âme autant que leur corps et illumine leur visage.

Catherine est lumineuse et irradie de bien-être qu’elle partage bien volontiers avec ses hôtes.

Par ailleurs les trois garçons ont grandi, ce sont des jeunes gens qui ont suivi des études et qui doivent faire leurs propres choix de mode de vie. Gérard et Catherine qui ont élevé leurs fils en pleine nature pour leur ouvrir les yeux sur l’essentiel ont alors imaginé ce plan ambitieux de bâtir de leurs mains une maison pour que chacun reste proche de la famille et de la forêt. Autant de questions et sans doute de réponses dans ce documentaire dont voici la bande-annonce : 

Infos : www.quebecmaritime.ca qui comprend les 4 régions touristiques de l’Est du Québec : le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, la Côte-Nord et les îles de la Madeleine.

La Comptonie Voyageuse, http://lacomptonievoyageuse.com où vous trouverez toutes les infos sur le gîte et pour en apprendre davantage encore sur Gérard et Catherine www.gaspesiesauvage.com.

Texte : Christiane Goor     Photos : Charles Mahaux

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