La nouvelle génération d’avions de ligne est en préparation 

Tout le monde le sait : il y a deux géants dans le monde de la construction d’avions, trois autres beaucoup plus modestes, et une kyrielle de petits constructeurs. Airbus a pris le leadership avec, actuellement, 70% du marché, devant Boeing. Les autres sont le brésilien Embraer qui se cantonne dans la production d’avions de capacité moyenne (100 à 150 pax), Bombardier, le Canadien, qui faisait de même mais qui a vendu sa production de “C series” à Airbus (les A220), et surtout, à tenir à l’œil, un possible futur grand : le Chinois Comac qui vient de lancer les services commerciaux de son C919, une sorte de copie conforme des A320 et/ou des B737 dans les évolutions les plus récentes.

Mais dans quels avions volerons-nous d’ici dix ans ?

Parce que pour lancer un tout nouvel avion (et non une évolution d’un modèle plus ancien), il faut 10 ans entre l’architecture du projet et le premier vol commercial. Dix ans durant lesquels tout évolue : les matériaux, les moteurs, l’électronique, le design…, dix ans d’adaptations continues. Airbus et Boeing sont pourtant tous les deux en train d’étudier leurs futurs remplaçants des monocouloirs. Evidemment, les avions vendus actuellement seront toujours en service dans dix ans, mais ce qui fait l’objet d’études chez les deux géants, ce sont les avions qui voleront encore au moins jusqu’en 2080 ! L’Airbus A320 a plus de quarante ans, le B737 plus de soixante ! Ce dernier a été construit à plus de 11.700 exemplaires, et la série A320 est en bonne voie pour dépasser ce chiffre hallucinant.

Alors pourquoi se pencher sur de tout nouveaux concepts puisque ces deux best sellers se vendent toujours très bien ?

Il y a au moins deux réponses à cela. La première, c’est l’évolution des moteurs. Les trois grands motoristes (Pratt & Whitney, General Electric-Snecma sous le nom de CFM et Rolls-Royce), se sont surtout concentrés ces dernières années sur les très gros moteurs, et beaucoup moins sur les moteurs plus petits qui équipent les deux leaders du marché. Mais même ces plus petits moteurs sont de plus en plus gros, ce qui a nécessité une adaptation très importante des B737. On se souvient que les petits réacteurs d’autrefois, placés sous l’aile, on fait place à d’autres qui nécessitaient un espace plus grand entre l’aile et le sol, et donc un positionnement en avant de l’aile et non plus sous celle-ci. D’où un rééquilibrage indispensable de l’avion, avec de nouvelles consignes de pilotage qui, mal connues, ont été à l’origine des deux crashes de 2018 et 2019. Les conséquences pour Boeing ont été gigantesques : plus de 20 milliards en dédommagements et en mise au sol forcée durant presque 2 ans.

Quels sont les modèles étudiés actuellement ?

Boeing semble se baser sur un projet commun avec la NASA, connu sous le nom de X-66A, ou encore sur un projet d’une société californienne, JetZero, qui propose un “Blended Wing Body”, soit un avion à aile intégrée : une sorte d’aile delta volante avec les moteurs à l’arrière. Cette formule de moteurs à l’arrière qui a été en vogue dans les années ‘60 avec Caravelle, DC-9 et B727, semble revenir dans les études : les gros réacteurs actuels y trouvent une place bien plus aisée que sous l’aile.

Justement, les ailes, parlons-en : c’est sur elles que les chercheurs se penchent le plus, elles qui offrent le plus d’évolution possible. Par exemple, les “Transonic Truss-Braced Wings”. Il s’agit de doter l’avion d’ailes hautes (sur le dessus de l’avion), très longues et très fines, avec les moteurs sous les ailes, mais soutenues par des sortes de haubans, des poutrelles qui partent de sous l’avion pour soutenir le poids des ailes et des moteurs.  Il paraît que l’aérodynamisme y gagne beaucoup. Autre exemple de recherche : les ailes de type “goéland”, dont le dessin part de dessous l’avion, remonte fortement pour se déployer en une courbure à l’imitation des oiseaux. Cette architecture permettrait de placer les moteurs sous les ailes de façon traditionnelle. Quoi qu’il en soit, il est clair que les ailes futures seront bien plus longues qu’actuellement, ce qui aura aussi un impact sur les infrastructures des aéroports.

Les moteurs, maintenant.

Le secret est bien gardé, tant la concurrence entre les trois motoristes est grande. General Electric vient de changer sa structure : de société unifiée, elle se scinde en trois secteurs, dont celui qui nous intéresse, renommé GE Aerospace. Avec son partenaire français Safran, la joint-venture CFM étudie un projet RISE, pour Revolutionary Innovation for Sustainable Engines, soit des moteurs aux ailettes de compression non carénées, à l’air libre. Chez P&W, on étudie une nouvelle version du PW1000G Geared Turbofan, et chez RR un réacteur “ultrafan”. On n’en sait pas beaucoup plus, c’est une affaire de gens ultra spécialisés, qui se penchent évidemment aussi sur les différentes formules de propulsions, de carburants, d’autres énergies.

Autre évolution encore : celle des matériaux composites.

Avec la NASA toujours (mais Boeing prétend ne pas être subsidié !), la firme de Seattle étudie le HiCAM, ou High-Rate Composite Aircraft Manufacturing, qui a déjà trouvé des applications sur les 787 et le futur 777X. Mais les avionneurs se penchent aussi sur les résines infusées et les thermoplastiques.

Airbus envisage plutôt la construction d’un avion intermédiaire pour succéder à sa série A320 (surtout A321) ; un projet plutôt conventionnel dont les progrès porteraient surtout sur l’aérodynamisme et des moteurs à carburants “durables”. Cette étape intermédiaire est indispensable pour montrer aux groupes de pression (européens et californiens, qui d’autre ?) que l’industrie se prépare aux zéro émissions et s’en préoccupe vraiment. Chez Airbus, c’est surtout à l’hydrogène que l’on pense pour le moment. Elle devrait alimenter des moteurs encore plus gros, pour des avions a plus forte capacité d’embarquement, parce qu’un autre frein commence à voir le jour : celui de la limitation des slots dans les aéroports. On a largement parlé du cas d’Amsterdam, et Bruxelles s’en préoccupe aussi. Il faudrait, idéalement pour Airbus, un avion qui ne soit pas lié à un seul motoriste, mais qui laisse la possibilité aux clients de choisir le ou les moteurs qu’ils veulent ; et ceci complique encore un peu plus le travail des bureaux de R&D, tant les trois projets actuels sont différents.

En résumé,

on a du côté de Boeing deux propositions : une “aile volante” révolutionnaire et un avion au fuselage classique avec les ailes très développées et équipées de poutrelles de soutien. Et du côté d’Airbus, on a un projet plutôt conventionnel mais fortement amélioré par l’aérodynamisme, les moteurs, les sources d’énergie pour les faire tourner.

À moins que d’autres secrets soient très bien gardés…

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