L’Abitibi-Temiscamingue, le Far West du Québec (1/2)

Le Fort-Temiscamingue au cœur de la forêt et au bord du lac, un ancien poste de traite.

Le Québec entend bien renouer avec le tourisme d’autant que le taux de vaccination y est de 88% et qu’il offre toujours des valeurs sûres ! Les régions à découvrir ne manquent pas mais aujourd’hui on vous invite à vous échapper en pays méconnu, en Abitibi-Temiscamingue, vaste territoire situé à l’extrême ouest du Québec, une région colonisée il y a un siècle à peine. Une réalité historique et culturelle passionnante qui invite à découvrir un passé proche et pourtant incroyablement mythique.

La forme d’un large croissant dont une première partie, le Temiscamingue, rural et verdoyant, se déploie du Sud au Nord le long de la frontière qui jouxte l’Ontario anglophone tandis que la seconde partie, l’Abitibi, minier et nordique, s’étire d’Ouest en Est. C’est surtout un pays jeune dont les villes les plus anciennes ont à peine cent ans, une paille à l’échelle de l’histoire de l’Europe.

Une rabaska de l’ancien poste de traite au bord du lac Temiscamingue au cœur de la forêt.

Coureurs de bois et bûcherons

En algonquin, abitibi signifie « là où se séparent les eaux ». En effet c’est ici que les rivières choisissent soudainement de s’écouler vers le Nord, vers la baie St-James. Une inclinaison qui explique pourquoi les gens du bassin du St-Laurent ont boudé l’Abitibi : il ne servait à rien de tailler dans ses forêts d’épinettes si la drave vers Montréal ou Ottawa étaient impossibles.

Seul un poste de traite français s’y est établi au 18ème siècle, au bord du majestueux lac Temiscamingue, une véritable mer intérieure de 110 km de long. Lieu de ralliement pour les amérindiens qui venaient y troquer leurs fourrures contre des produits européens : haches de métal, pièges, pierres à silex, perles, couteaux, chaudrons de cuivre, etc.

Les coureurs de bois n’hésitaient pas à pénétrer les forêts sur les pistes tracées depuis des millénaires par les tribus algonquines pour échanger les peaux de castors utiles à la fabrication des chapeaux haut de forme très à la mode à l’époque en Europe

Dès la fin septembre la nature s’enflamme avec l’été indien.

Il fallait près de 3 semaines pour transporter les ballots de peaux jusqu’à Montréal, sur des rabaskas, des canots en écorce de bouleau, menées par d’intrépides voyageurs qui n’étaient autre que les routards de l’époque, trop heureux de consacrer quelques années de leur jeunesse à s’enrichir en voyageant dans l’arrière-pays entre lacs et rivières.

Au 19ème siècle, la foresterie connaît un essor considérable autour du lac et détruit l’habitat naturel des animaux à fourrure. Le flottage du bois s’organise sur les rivières et le lac au bord duquel surgissent des petites scieries qui transforment le bois, transporté ensuite vers Québec ou Ottawa. Une nouvelle vie s’organise autour du bûcheronnage.

Le village minier de Bourlamaque toujours habité à Val-d’Or.

Missionnaires et colons

Un homme, le frère Moffet, un prêtre Oblat qui vivait dans une mission établie sur la rive ontarienne du lac, avait pressenti le désastre économique d’une économie entièrement tournée sur la forêt qui peinait à se régénérer.

Fils d’agriculteur et d’un caractère obstiné, il va se battre durant de longues années contre sa hiérarchie pour obtenir le droit d’établir une ferme dans le secteur de ce qui deviendra Ville-Marie, la première ville du Témiscamingue. Persuadé que le climat y était propice à l’agriculture, il défriche un terrain en bordure du lac et y construit une habitation et une grange. Nous sommes en 1881.

Un vélo-taxi devant la maison du frère Moffet ou comment visiter la ville en écoutant des anecdotes sur les personnages qui ont forgé son histoire.

Cinq ans plus tard, les premières familles s’installent autour de la ferme et la communauté missionnaire, cette fois convaincue, va encourager la colonisation de cette immense région. Des lots de 40 ha sont distribués aux colons qui sont obligés de défricher la terre et d’y bâtir une maison.

Chaque famille signait un contrat de 5 ans pour atteindre cet objectif sous peine de devoir payer des amendes. C’est ainsi qu’à côté d’une population de bûcherons s’est développée une communauté d’agriculteurs qui va essaimer dans toute la région et donner au Temiscamingue ce paysage bucolique de plaines doucement vallonnées, où de vastes champs côtoient d’imposantes forêts.

Ratons laveurs au Refuge Pageau à Amos.

Du haut de ses 135 ans, Ville-Marie peut se targuer aujourd’hui d’être la doyenne des municipalités de l’Abitibi-Temiscamingue. Comme la plupart des villes édifiées rapidement par des pionniers, elle ne séduit pas au premier coup d’œil. Il faut s’y arrêter, emprunter d’abord la commerçante rue St-Anne et son enfilade de jolies maisons en bois coloré avant de flâner dans la longue avenue arborée qui longe le lac.

On y découvre quelques belles maisons bourgeoises du début du 20ème siècle dont les toits à lucarnes et les galeries à colonnettes racontent l’esprit d’entreprise de certains pionniers. La promenade mène à l’humble maison du Frère Moffet, toute assemblée à queue d’aronde, témoin exceptionnel des premiers efforts de colonisation.

La rue Sainte-Anne et ses maisons en bois à Ville-Marie.

La visite se termine inévitablement sur la marina, unique au Témiscamingue. En été, c’est le lieu de toutes les rencontres. Ici, le cœur du village n’est pas le perron d’une église, il est au bord du lac, là où chaque soir, les couchers de soleil embrasent la nature environnante et emportent les âmes sur les traces des colons qui, de rivières en lacs, ont ouvert la route vers le nord.

Le Klondike abitibien

En Abitibi-Témiscamingue, tous les étrangers ont leur place. Dans les années 1920, quand d’importants gisements miniers sont mis à jour le long de la fameuse faille Cadillac qui traverse l’Abitibi, cette manne providentielle va susciter un véritable engouement et on assiste à une ruée vers l’or. Là où autrefois le seul accès était l’hydravion, le chemin de fer ouvre une route dès 1937 et va provoquer l’émergence de villes minières.

L’ancienne mine Lamaque de Val d’Or, la Cité de l’Or.

Entre 1927 et 1950, 46 mines exploitent les gisements de la région le long de la faille. Aujourd’hui, il n’en reste qu’une dizaine, d’autant que la durée de vie moyenne d’un gisement minier est de 15 ans. Mais le sol cache encore de nombreuses richesses qui n’attendent que des investisseurs prêts à entrer en production en respectant un cahier de charges très strict en matière de reclassement des déchets miniers.

Dans les années 30, les villes les plus cosmopolites du Québec après Montréal étaient Rouyn-Noranda et Val d’Or. Il faut dire que les travailleurs venaient de partout : des Polonais, des Ukrainiens, des Russes, des Finlandais, des Italiens, tous des mineurs expérimentés, des hommes du charbon qui vont partager leur expertise avec les Abitibiens.

La mine d’or à ciel ouvert de Malartic.

Les dangers de la mine rassemblent les hommes et on connaît ici une belle intégration de toutes ces cultures. Le site historique de l’église orthodoxe russe de Rouyn-Noranda est un important symbole de la pluralité ethnique et religieuse de la région minière de l’Abitibi, il plonge le visiteur dans l’histoire encore proche de ces communautés qui ont migré ici entre 1930 et 1960.

La passion d’entreprendre

Il n’y a pas que des mines en Abitibi, la région est le théâtre d’un boom culturel étonnant et ce sont les jeunes qui lancent le mouvement. A Rouyn-Noranda, à l’ombre des cheminées géantes de la fonderie de cuivre, un pâté de maisons est devenu l’épicentre d’une effervescence étonnante pour une ville de 40.000 habitants à peine.

Témoin de la diversité culturelle de la ville, l’église orthodoxe russe de Rouyn-Noranda bâtie en 1955.

Une vingtaine de nouveaux festivals y ont vu le jour, dont le Festival des guitares du monde, le Festival du Documenteur et sa délirante programmation de faux documentaires ou encore le FME, Festival de musique émergente.

Aujourd’hui, Rouyn-Noranda s’est classée 10ème au rang des villes les plus dynamiques du Canada et on y raconte volontiers que l’indice de bonheur y est le plus élevé…

La même créativité se retrouve à La Sarre, plus au nord où le Festival des Langues Sales célèbre la richesse de la langue française version abitibienne autour de spectacles de rues. A Authier, on encourage le public à retourner sur les bancs de l’école primaire du village. Fondée en 1937 pour accueillir les enfants des mineurs, elle a servi jusqu‘en 1958. Réhabilitée par des passionnés qui durant l’été deviennent les héros de jadis, elle permet de mieux découvrir un pan de la vie des pionniers.

L’école de Rang II d’Authier a accueilli des enfants de 1937 à 1958. Conforme aux autres écoles de rang du Québec tant par son cadre physique que par le matériel didactique.

Assis sur les petits bancs de l’unique classe, entourés d’objets aujourd’hui désuets, on affronte les questions de monsieur le curé ou de mademoiselle l’institutrice avant de pouvoir visiter son minuscule appartement privé contigu à la salle de classe. Un voyage dans le temps qui permet de mieux apprécier le présent !

Même retour dans le passé avec la visite du dispensaire de la Garde à La Corne où l’infirmière de colonie Gertrude Duchemin a assuré tous les services durant 40 ans: soignante, sage-femme, dentiste, chirurgienne, pharmacienne et à l’occasion vétérinaire, disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 avec une obligation de célibat qui surprend aujourd’hui. Mais la visite de l’imposante cathédrale de Amos non loin de la maison bourgeoise de Hector Authier, agent des terres et des mines, permet de mieux comprendre le rôle prédominant de l’église aux côtés du pouvoir local dans la colonisation des terres de l’Abitibi.

Le site historique du Magasin Général Dumulon est le plus vieux commerce de Rouyn-Noranda (1924).

C’était monsieur le curé qui visitait toutes les nouvelles paroisses et qui veillait à ce que la morale soit sauve partout. L’infirmière a dû demander à l’évêque l’autorisation de porter le pantalon plus commode dans sa pratique quand elle parcourait la campagne, le curé le lui ayant interdit.

La vie était rude à l’époque en Abitibi mais au fil des plongées dans un passé proche, guidé par des jeunes soucieux de partager l’héritage de leurs grands-parents, chacun en revient convaincu que l’Abitibi-Témiscamingue dispose d’une richesse unique, celle de réaliser les rêves les plus fous.

(A suivre)

Première ville d’Abitibi (1910), Amos s’étire le long de la rivière Harricana, la seconde plus longue voie navigable au Canada (170km).

Abitibi-Témiscamingue pratique

Pour en apprendre davantage, deux sites incontournables : http://bonjourquebec.com/fr-ca et www.tourisme-abitibi-temiscamingue.org. Des infos plus détaillées à découvrir sur la maison du Frère-Moffet, www.maisondufreremoffet.com, la Cité de l’Or pour découvrir la vie de ces mineurs valeureux, fiers bâtisseurs de l’Abitibi-Témiscamingue. www.citedelor.com, la vie des infirmières de colonie www.dispensairedelagarde.com, les écoles de rang www.ecoledurang2.com.

Pour découvrir de près la faune locale d’ordinaire inaccessible, le refuge Pageau à Amos mérite le détour. Il accueille depuis 30 ans les animaux sauvages malades ou blessés pour les soigner avant de les relâcher si c’est possible www.refugepageau.ca

Une visite au Centre d’interprétation de la foresterie à La Sarre permet de mieux comprendre la vie dans les camps de bûcherons et l’histoire des moulins à scie qui ont proliféré sur le territoire. Accès gratuit.

Au fil du voyage en train vers Senneterre.

Y aller : Air Transat est spécialisé sur les vols charters vers le Québec avec un bon rapport qualité-prix. www.airtransat.com. Au départ de Montréal, deux options à conjuguer pour joindre l’Abitibi-Témiscamingue : le train à l’aller Montreal-Senneterre www.viarail.ca et le bus au retour. Coût semblable quelle que soit la formule, autour d’une centaine d’euros. Sur place, l’idéal est de louer une voiture et de partir à l’aventure sur les très belles routes de la région, en vagabondant d’un site à l’autre.

Quand y aller : L’été, en sachant qu’il commence tard au Québec, à partir du 20 juin, une saison idéale pour participer aux nombreux festivals de plein air qui animent toute la saison. Dès la fin septembre la nature s’enflamme avec l’été indien. A cette époque les musées se visitent sur rendez-vous.

Se loger : Hôtel, motel, camping et gîte sont des types d’hébergement qu’on trouve en grand nombre en Abitibi-Témiscamingue. La formule « motel », avec la voiture garée en face de la porte de la chambre, donne l’impression de participer à un road movie, avec l’alignement de pick-up des nombreux travailleurs qui viennent s’y poser. Ce sont aussi des lieux de rencontres inoubliables, que ce soit sur le pas de la porte de sa chambre ou au bar du motel. Si vous rêvez de vivre au cœur de la nature, le Parc national d’Aiguebelle offre différentes formules d’hébergement, toujours au bord d’un lac, d’une rivière ou d’un marais. Marche, pêche, kayak, canot, vélo, découverte des animaux nordiques, autant d’activités avec la possibilité de louer sur place les équipements nécessaires http://www.sepaq.com/pq/aig/

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