Lettre ouverte à vos clients croisiéro-sceptiques

Notre article de ce lundi sur Le tourisme source de tous les maux ? Stop au travel bashing ! visait à défendre notre industrie, certes pas irréprochable mais dont on ne peut nier qu’elle est désormais engagée dans une démarche ambitieuse en matière de décarbonation. Pour poursuivre sur cette thématique, en voici un autre sur la croisière, rédigé par notre chroniqueur Marc Dans en 2019, qui n’a pas pris une ride et que nous republions in-extenso ci-dessous. Article qui avait suscité une réaction du géographe Marc Alardeau, publié à la suite.

Cher Agent de voyage,

Ne vous laissez-pas impressionner par les « fake news » ni par les lobbies dont on ne sait s’ils sont vraiment malhonnêtes ou totalement incompétents. Vous avez à vous défendre, et à expliquer à un client qui vous dirait « La croisière, c’est contre mon éthique personnelle ! » à quel point il a tort. Comme pour l’avion, le bateau de croisière fait l’objet d’attaques « de classe », comme si ces deux moyens de transports étaient réservés aux riches. Demandez à Ryanair ce qu’ils en pensent… Et les grands navires de 5000 ou 6000 passagers ont fait fortement baisser les prix : une semaine à partir de 400 €, qui fait mieux ?

Il y a environ 300 bateaux de croisière dans le monde
Est-ce beaucoup ? De plus en plus, ils tendent vers le zéro déchets, zéro émissions… Comparez avec les 55.000 bateaux cargos, qui vous apportent la quasi-totalité des biens que vous consommez tous les jours, et contre lesquels personne n’élève la voix…

Comparez avec les 7.500 yachts de plus de 20 m, avec les millions de petites embarcations dans le monde, qui ne s’embarrassent nullement des préoccupations écologiques, qui rejettent tout à la mer… Mais le seul qui soit montré du doigt, c’est le beau et grand bateau de croisière, symbole de luxe alors qu’il est devenu vraiment populaire, et donc symbole d’une lutte de classes ! Amalgame total.

Parlons des moteurs
Nous avons tous lu cette « fake news » de propagande, disant qu’un moteur de gros bateau consomme l’équivalent de (chiffre variable selon la propension de l’auteur à mentir) 1 à 5 millions de voitures. Or le plus gros moteur de bateau au monde, bien plus gros que celui qui équipe les bateaux de croisières, a une puissance de 108.000 CV et consomme 24.000 litres de fuel à l’heure.

C’est 1.000 fois plus que votre voiture, et pas 1 million de fois. Mais le but n’est pas de dire la vérité, le but relève uniquement de la propagande. Divisez ensuite ces 24.000 litres de fuel par le nombre de passagers, et vous verrez que vous polluez bien plus en une heure avec votre voiture ; laquelle, faut-il le préciser, ne roule pas pendant que vous êtes en croisière, ce qui a un effet bien positif.

Parlons émissions nocives
Elles sont de deux ordres : les dioxydes de soufre, et l’oxyde d’azote. Pour les premières, les fumées sont lavées en circuit fermé, et les particules sont ensuite séchées et remises à terre pour être traités. 98% de ces dioxydes sont de la sorte éliminés. Pour l’oxyde d’azote, les bateaux sont équipés du RCS, ou Réduction Catalytique Sélective, qui élimine 90% des émissions.

Le fuel utilisé maintenant a une très faible teneur en soufre, de l’ordre de 1,5%. Et le GNL, qui arrive sur les plus récents navires, est la solution vers le zéro particules émises. A quai les bateaux vont de plus en plus s’alimenter par prise électrique , ce qui permettra de couper les moteurs.

Parlons de l’eau, c’est encore plus étonnant !
Il faut 3 millions de litres d’eau par jour pour un gros bateau de croisière. Eh bien, toute cette eau, y compris l’eau potable, est puisée en mer et désalinisée à bord !

Tourisme de masse ?
Autre problème souvent évoqué par les « influenceurs » malveillants : celui du tourisme de masse que représenterait en lui-même un bateau de croisière. Prenons l’exemple de Venise. La ville accueille 31 millions de touristes par an.

Or il y a 30 millions de croisiéristes dans le monde entier, et seulement 1,1 million passent par Venise tout au long de l’année. D’ailleurs les autorités italiennes ont convenu, après une étude sérieuse, que la pollution est surtout causée par les centaines de vaporettos, qui eux rejettent tout dans la lagune.

Et les nuisances sonores, direz-vous ?
Barcelone s’en plaint. Mais un bateau de croisière libère ses excursionnistes à 9h du matin, et à 18h il est reparti ! On ne peut donc accuser les passagers de toutes les nuisances sonores nocturnes en ville ! Par contre, quand un petit appart’ est loué par AirBnB à 8 jeunes qui font la fête toute la nuit, les choses sont différentes !

Pour résumer
Il est évident qu’il s’agit d’une opposition « de principe » entre les secteurs marchands et non-marchands. Les premiers tirent un légitime profit des croisiéristes ; les seconds devraient se rendre compte que leurs salaires sont payés grâce aux contributions des premiers… Il faut bien que l’argent provienne de quelque part.

Voilà donc, cher agent de voyages, quelques arguments à donner à vos clients « croisiéro-sceptiques ». Ne vous laissez pas impressionner par les faux arguments, conservez votre fierté de faire visiter le monde à vos concitoyens, parce qu’on n’a pas encore trouvé de meilleur moyen pour que les peuples se comprennent et vivent en paix.

La réaction du géographe Marc Alardeau
Marc, en tant que géographe de formation, je ne peux que rejoindre ton raisonnement. J’ajoute quand même que l’information qu’un bateau pollue autant que des millions de voitures a été publiée de manière exacte par une étude scientifique qui précisait les polluants concernés … et ce n’est aucunement le CO2 produit, comme cela a été repris ensuite par des journaleux ou bloggistes divers qui n’ont aucun esprit d’analyse critique et on « oublié » les critères mis en évidence par l’étude.

Les progrès semblent avoir permis sur les navires plus récent le « lavage », séchage et traitement des polluants ce qui n’est pas d’habitude communiqué. Merci pour l’information.

La désalinisation de l’eau est un véritable désastre environnemental car le système utilisé est la distillation de l’eau de mer, c’est à dire, pour faire « imagé », la transformer en vapeur dans une première enceinte en la portant à ébullition et ensuite condenser cette vapeur dans une seconde enceinte reliée à la première par des tubes. Le sel restera dans le fond de la cuve de la première enceinte car il ne se transforme pas en gaz lui lors de la chauffe. Et l’eau de la seconde enceinte sera débarrassée de son sel.

Quand je parle de désastre environnemental c’est que la quantité d’énergie nécessaire pour désaliniser est énorme et nécessite une chauffe importante. Raison pour laquelle ce sont principalement les pays producteurs de pétrole qui utilisent ce système à grande échelle vu l’absence de nappe phréatique classique chez eux (des nappes fossiles, parfois énormes, existent parfois, comme en Libye, mais ne se régénèrent pas, et une fois épuisée, c’est fini). Toutefois j’imagine que dans le cas des navires de croisières, la chaleur des moteurs suffit probablement à réaliser cette désalinisation sans consommation supplémentaire d’énergie. As-tu l’information sur ce point pour le confirmer ?

J’adore ta mise au point sur le tourisme de masse et elle est pertinente. En effet, c’est bien plus la multiplication des vols low-cost, et des petits aéroports (parfois devenus grands), qui sont les grands responsables en général du tourisme de masse. C’est bien de mettre les points sur les « i ». Toutefois, il faut reconnaître qu’il n’est pas très agréable de visiter un site quand tu as des dizaines d’autocars de croisiéristes qui s’y précipitent et exercent un pression importante sur ce site, pression il est vrai ponctuelle et limitée dans le temps au maximum à la durée de l’escale …il suffit d’aller prendre un café ou de manger un bout le temps que les croisiéristes disparaissent finalement.

Au niveau tourisme de masse, j’ajoute quand même comme grands responsables aussi les pays émergents, dont de plus en plus de citoyens ont des moyens financiers aisés, qui génèrent de plus en plus de touristes hors de leurs frontières. L’Asie, en particulier la Chine, est l’exemple par excellence. Nous sommes un peu touchés par cela mais leurs voisins proches le sont encore bien plus. (et ici je ne peux pas m’empêcher de penser au Bhoutan -un rêve pour beaucoup de voyageurs européens-, du moins les villes les plus accessibles, envahies par une masse de touristes indiens qui ne sont pas soumis au fameux droit de visa journalier, et qui ont y un accès libre et non limité, suite à des accords de coopération entre les 2 pays). Et au niveau nuisances, comme tu le soulignes la multiplication de logements type AirBnB en génère certainement bien plus que quelques milliers de croisiéristes qui descendent d’un bateau. … quoique si tu habites devant les quais de déchargement cela anime probablement plus tes journées. Encore merci pour ton article qui redore un peu le blason écorné des croisières.

 

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