Mais qu’arrive-t-il donc au B-737 ?

La question doit être posée, parce que cet avion détient toujours le record d’avion le plus construit au monde, et dans le ciel européen, rappelons qu’il est l’avion unique de Ryanair, donc souvent emprunté par les Belges. Il avait jusqu’à ces dernières années une excellente réputation, il était un peu « le vélo du ciel », apte à effectuer à peu près toutes les missions commerciales dévolues à un « petit/moyen porteur » en court ou moyen courrier.

Mais voilà que les accidents dramatiques de 2019 ont eu pour résultat une mise au sol de centaines d’avions de la nouvelle série MAX, et qu’en ce mois de janvier dernier, on a évité de peu une nouvelle catastrophe avec la perte d’une porte une en plein vol.

L’histoire du B-737 est déjà très longue, même si on peut dire que les avions actuels ressemblent de moins en moins aux premiers de leurs devanciers.

Boeing est apparu sur le marché des avions à réaction avec son 707, quadriréacteur long-courrier. Ce modèle fut suivi par le 727, un triréacteur moyen-courrier. Et la compagnie Lufthansa fit savoir à Boeing qu’elle aimerait disposer d’un avion plus petit et biréacteur (d’où 30% d’économies par rapport au 727) pour son réseau court-courrier. L’élégante Caravelle de Sud-Aviation était apparue dès 1958, mais elle répondait à des critères trop franco-français : pouvoir voler de Lille à Nice avec 100 passagers. Oubliés, le fret aérien et les distances plus longues, comme un Francfort-Malaga au minimum, ou mieux encore, un Hambourg-Le Caire, par exemple.

Lufthansa passa donc commande de B-737-100 en 1965, ce premier modèle avec ses réacteurs tubulaires très étroits et bruyants. Le dernier avion de ce type et de ses évolutions fut acheté par la compagnie allemande en 1995, après quoi elle devint une compagnie « Airbus only ». Ce choix était un peu politique (favoriser l’industrie allemande et européenne), mais aussi un choix qualitatif, et enfin un choix économique, l’Airbus étant moins gourmand que le B-737 de l’époque. Un choix aussi qui permettait une uniformisation de la flotte et une formation de pilotes simplifiée, sauf pour les longs-courriers encore assurés en partie par des B-747.

Voilà donc que Lufthansa, 28 ans après, vient de repasser commande chez Boeing de 40 B-737MAX-8, tout en confirmant aussi 40 Airbus A-220 et une option pour 40 autres A-320neo.

On se demande bien quelle mouche l’a piqué, puisqu’entre-temps, on a en mémoire les divers problèmes encourus par ces modèles MAX et on se demande si ce type d’avion B-737 n’est pas arrivé au bout du bout de son évolution possible. Boeing a bien étudié un tout nouveau modèle appelé MMA par les spécialistes, pour Middle Market Aircraft, mais le projet a été abandonné au profit de multiples versions allongées du 737.

Lufthansa avance un argument qui tient la route : ne pas dépendre d’un seul constructeur, surtout quand on sait les problèmes d’approvisionnement et de fiabilité moteurs que connaît Airbus. On n’a pas évoqué la question du prix d’achat…

La plupart des gens se demande pourquoi ces versions, baptisée MAX8, MAX9, MAX10, quelles sont les différences entre elles. Il faut savoir qu’un avion est conçu pour un marché-type (comme l’exemple de la première Caravelle), mais que chaque client potentiel a des exigences différentes des autres. En conséquence un avion sera construit en fonction de deux critères principaux : placez en abscisse le rayon d’action et en ordonnée le nombre de sièges, et vous aurez un tableau des versions proposées. Actuellement, le B-737MAX10 sera proposé avec un rayon d’action court, 3100 nm (miles nautiques) pour une capacité de 190 sièges maximum. Sur le rayon de 3300 nm, on trouve le 737MAX-9 avec une capacité de 185 sièges environ, et le 737MAX8-200 avec 210 sièges. Son petit frère le 737MAX-8 peut parcourir 3450 nm avec 170 passagers, et le 737MAX-7 couvrira (quand il sera certifié) 3800 nm avec 145 passagers environ. On voit que répondre à toutes les préférences est assez compliqué.

Pour construire tous les modèles commandés, (des milliers!), Boeing fait appel à de nombreux sous-traitants, dont les principaux sont les motoristes, mais il en existe d’autres qui s’occupent notamment de la construction de la structure. C’est le cas de Spirit Aero Systems, qui construit le corps des avions B-737MAX-9, et qui a, selon toutes apparences, un problème de contrôle de qualité.

Un avion d’Alaska Airlines a perdu une « fausse porte » en vol. Pour comprendre la raison d’être de cette fausse porte, il faut savoir que Spirit construit la même structure pour différentes versions, en fonction de la demande des clients. Par exemple, dans le cas qui nous occupe, si Icelandair a opté pour un MAX-9 avec deux sorties de secours supplémentaires sur les ailes parce qu’ils ont des avions de plus de 200 sièges, Alaska s’est contenté d’une version avec moins de sièges, ne nécessitant pas ces deux portes supplémentaires. Il restait donc à Spirit à « boucher »ces portes. Et c’est évidemment là que le problème du contrôle de qualité est apparu.

Alaska a mis au sol 65 de ses 737MAX-9, et United Airlines 79, jusqu’à l’achèvement des contrôles minutieux. On a trouvé des vis qui n’avaient pas été serrées ! Cette nouvelle mise au sol, c’est une de trop pour certaines compagnies, qui reportent leurs commandes de plusieurs mois, voire même années, en attendant, en espérant, que les multiples problèmes de Boeing soient résolus.

On a ici l’exemple-type des dérives d’un capitalisme outrancier : gagner de l’argent à tout prix, en rognant sur la qualité, sur les contrôles, et donc sur la sécurité. C’est impardonnable.

Juste pour votre gouverne, et par comparaison, les 4 modèles monocouloirs les plus commandés d’Airbus ont les caractéristiques suivantes:

pour l’A220-100, 3450 nm de rayon d’action et 110 sièges environ.
pour l’A320neo, 3500 nm et 160 sièges
pour l’A321neo, 4000 nm et 200 sièges
pour l’A321XLR, 4700 nm et 200 sièges.

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