Surtourisme : le yield management comme solution ?

Le surtourisme est l’une des plaies du tourisme. On l’associe volontiers au tourisme de masse, qui n’est rien d’autre que le résultat de la démocratisation du voyage. Il gâche le plaisir de nombreux visiteurs à Venise, Barcelone ou Porto, sur des périodes de plus en plus étendues dans l’année. Et même s’il concerne moins de 5% des territoires touristiques – les plus de 95 autres pourcents aimeraient au contraire avoir davantage de visiteurs – il nuit grandement à l’image du tourisme.

Les grands sites mondiaux cherchent désormais à réguler l’activité touristique, à l’instar du Machu Picchu au Pérou, du Taj Mahal en Inde ou de l’Île de Pâques au Chili. En France aussi, les initiatives se multiplient. Le Mont Saint-Michel, depuis 2012, interdit aux visiteurs de se garer au pied du site. L’accès aux Calanques de Sugiton, près de Marseille, se fait sur réservation depuis le 26 juin dernier. En Corse également depuis cet été, les îles Lavezzi sont soumises à des quotas journaliers. Dans ces deux derniers cas, il s’agit de sites naturels où le nombre excessif de visiteurs dégrade les chemins.

Romain Charié

De plus en plus de jauges sont mises en place dans les lieux touristiques pour limiter l’afflux massif des visiteurs aux mêmes moments. Nous avons ainsi travaillé, avec la Tour Eiffel, à la mise en place de quotas horaires. Car nous n’avions pas d’autres leviers que la réservation pour fluidifier les visites, comme c’est le cas pour de nombreux musées”, explique Romain Charié, co-fondateur et président de N&C, entreprise parisienne spécialisée dans le Yield Management, dont la liste des clients est déjà longue (La Compagnie, Corsair, Odalys, Yelloh Village, OUIbus, Blablabus, Futuroscope, Le Ponant..).

Le yield management apparait ainsi, chaque jour davantage, comme “la” solution au tourisme de masse et à la gestion des flux humains. Cette pratique, d’abord appliquée par les compagnies aériennes, puis généralisée aux autres transporteurs et aux voyagistes, vise à moduler les prix en fonction du comportement de la demande, en tenant compte des remplissages, de la saisonnalité, des périodes de vacances… Sur les sites touristiques, au-delà des prix, surtout lorsqu’ils sont gratuits, cette gestion des flux passe ainsi par la réservation obligatoire.

L’objectif est d’abord d’éviter d’avoir à fermer des sites, un cas extrême, comme on l’a vu avec Maya Bay en Thaïlande” rappelle Romain Charié. Aux Philippines aussi, l’île de Boracay a fermé six mois en 2018, pour lutter contre les « ravages environnementaux » du tourisme.

L’autre objectif est d’éviter d’imposer un filtrage par l’argent. A partir de janvier 2023, Venise instaurera une taxe de séjour pour les visiteurs, mais elle ne concernera que ceux qui viennent pour la journée, et son montant pourrait bien s’avérer peu dissuasif (de 3 € en basse saison à 10 € les jours de grande affluence). L’impact de la taxe de séjour mise en place par le Bhoutan (190€ par visiteur et par jour) est lui bien réel, qui vise également à limiter le tourisme de masse.

Le yield permet donc de mieux répartir les flux touristiques, selon les heures, les jours, les saisons. Et de fermer le robinet lorsque l’évier menace de déborder. Il permet aussi de mieux anticiper des problématiques très diverses tels que le nettoyage, l’emploi des saisonniers, la gestion des parkings…

La mise en place de quotas peut-elle également inciter certaines compagnies aériennes – low-costs notamment – à réorienter une partie de leur capacité vers des villes moins touristiques ? Sur ce point, tant que le remplissage de l’avion est bon, on peut sérieusement en douter.

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