Jets privés : une question d’exemplarité !

Certains Etats s’interrogent sur les mesures à prendre pour freiner l’expansion de l’aviation d’affaires, entre incitation, règlementation et taxation. L’opinion publique, elle, ne comprendrait pas l’absence de décisions, au nom de l’équité entre citoyens, même si l’impact environnental s’avère in fine très faible.

Les polémiques sur les jets privés ont été vives en France cet été, alors que l’Europe souffrait de la sécheresse et des incendies. L’aviation d’affaires s’est ainsi retrouvé invitée dans le débat sur le réchauffement climatique. Le parti écologiste français (EELV) a rapidement souhaité voir les jets privés purement et simplement interdits.

En Belgique aussi Groen est sorti du bois récemment, rejoint par Ecolo, les deux partis préconisant une taxe “d’au moins 3 000 euros” par vol en avion privé au départ de Belgique. « Si l’on calcule par passager, les jets privés sont jusqu’à 14 fois plus polluants que les avions commerciaux et même 50 fois plus polluants que les trains« , expliquait ainsi Nadia Naji, la coprésidente des verts flamands, il y a quelques jours dans LibreEco. Et il est vrai en effet qu’un jet privé est bien plus polluant qu’un avion commercial, lorsqu’on calcule le rejet de CO2 par passager et par kilomètre. Mais il faut aussi apporter quelques nuances.

Voyager en classe affaires à bord d’un avion commercial pollue beaucoup plus qu’en classe éco. L’on sait aussi, par rapport à la proposition des verts, qu’une taxe supplémentaire ne va pas décourager les plus riches, qui n’en sont pas à quelques milliers d’euros près. Car les verts français fustigent surtout les utilisateurs de jets privés, dans une démarche qui associe écologie et social, en mode lutte des classes. Or, le profil des personnes qui ont recours aux jets privés est loin d’être majoritairement des milliardaires, stars du show business et autres patrons de grandes entreprises, comme le rappelle volontiers l’Association européenne de l’aviation d’affaires (EBAA). Il existe en effet une importante clientèle de voyageurs d’affaires moins fortunés, sensibles à la souplesse de l’aviation d’affaires en termes de choix d’aéroport et d’horaires, qui s’ajoutent à celle des vols sanitaires et aux transporteurs de marchandises diverses dont également des médicaments.

Il faut aussi relativiser l’impact écologique de l’aviation d’affaires. Avec ses quelque 22 000 appareils exploités dans le monde, il représente environ 2% des émissions de CO2 du transport aérien. Lequel pèse lui-même environ 2% des émissions totales selon l’EBAA. Le secteur compterait donc pour 0,04% des émissions générées par l’homme… L’association invite aussi à tenir compte du poids du secteur, soit l’an dernier un peu plus de 100.000 emplois directs et indirects rien qu’en France…

Les autorités françaises, conscientes de la sensibilité du sujet, ont rapidement réagi avec quelques propositions. Elles ont par exemple suggéré d’interdire les vols en avion privé – comme inscrit dans la loi Climat et Résilience pour l’aviation commerciale – lorsqu’il existe une alternative en train, sur des trajets de moins de 2h30. Mais l’impact d’une telle mesure serait tout de même très limité. Sur d’autres éventuelles mesures, le ministre français des Transports Clément Beaune préconise d’agir au niveau européen, et de fixer des règles communes au sein de l’Union pour plus d’impact.

Même si les plus riches, aujourd’hui pointés du doigt, ne sont pas les plus nombreux à avoir recours aux jets privés, peuvent-ils être épargnés par des mesures coercitives, à l’heure où les plus modestes sont invités à faire preuve de sobriété énergétique ? On peut tout de même se poser sérieusement la question, sans pour autant douter de leur valeur : les grands patrons mettent-ils leur entreprise dans l’embarras en allongeant de deux heures la durée du trajet lors d’un déplacement ?

Il est désormais question d’exemplarité. Tout le monde doit prendre sa part du fardeau, aussi bien le milliardaire que l’employé qui prend sa voiture tous les jours pour aller travailler. Freiner le développement de l’aviation d’affaires est peut-être affaire de symbole. Mais qui peut nier l’importance des symboles.

Les jets d’affaires seront parmi les premiers à être décarbonnés, à utiliser du fuel durable, voir l’électricité comme mode de propulsion. Mais cela prendra encore quelques années. D’ici là, une voie mérite d’être explorée : que soient rendues public les déplacements en jets privés. Pour les entreprises comme pour les particuliers, cette forme de « name and shame » pourrait plus rapidement faire changer les mentalités et les usages.

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